Penser systémique : une clé pour transformer la dynamique des organisations

BLR n° 52 – 10/07/2025

La minute du coach de V. Jubault

Les cabinets d’avocats, les directions juridiques et les entreprises en général sont souvent dirigés selon des logiques de causalité simple : lorsqu’un problème survient, on cherche une cause unique, une solution immédiate, et on s’efforce de la mettre en œuvre rapidement. Cette approche rassure. Elle donne un cadre lisible, permet de passer à l’action et offre l’illusion d’un système maîtrisable. Pourtant, dans des environnements complexes — et un cabinet, une direction juridique ou une entreprise en sont de parfaits exemples — cette lecture linéaire atteint vite ses limites.

Ce qui semble être « la » solution peut parfois entretenir, voire aggraver, le problème. Ce que l’on perçoit comme « la » cause n’est souvent qu’un symptôme d’un système plus vaste et plus imbriqué.

Ce que l’on perçoit comme « la » cause n’est souvent qu’un symptôme d’un système plus vaste et plus imbriqué.

La pensée systémique propose de changer de focale. Ce n’est pas la relation isolée qui compte, mais l’ensemble des interactions. Un cabinet d’avocats, une direction juridique, une entreprise, sont des systèmes vivants, traversés par des flux d’informations, des règles explicites et implicites, des jeux de pouvoir, des histoires individuelles et collectives, des temporalités différentes. Comprendre une organisation de manière systémique, c’est accepter que le contexte et les interactions pèsent souvent davantage que les individus eux-mêmes. Il ne s’agit pas de désigner « qui a tort ou qui a raison », mais de se demander « dans quel cadre cette dynamique a-t-elle émergé ? ».

Comprendre une organisation de manière systémique, c’est accepter que le contexte et les interactions pèsent souvent davantage que les individus eux-mêmes.

Un concept central de l’approche systémique est celui des polarités. Dans toute organisation, certaines tensions ne sont pas des problèmes à résoudre, mais des équilibres à ajuster en permanence. Ces polarités structurent la vie des organisations :

  1. Entre l’autonomie individuelle et la cohésion collective.
  2. Entre la recherche d’efficacité à court terme et l’investissement dans le long terme.
  3. Entre l’excellence des talents et la robustesse des processus communs.
  4. Entre l’innovation et la stabilité des pratiques existantes.
  5. Entre la confiance et le contrôle.

L’erreur classique serait de penser qu’il faut trancher et privilégier un pôle au détriment de l’autre. Par exemple : renforcer la transversalité en affaiblissant les expertises, privilégier la standardisation au détriment de la créativité, maximiser la rentabilité immédiate sans investir dans la formation ou la cohésion. Une approche systémique invite à réguler ces tensions, pas à les éliminer. L’enjeu est de trouver des ajustements fins, acceptant que ces équilibres soient toujours en mouvement et qu’il n’existe pas de solution définitive. Il s’agit de se demander : comment développer un pôle sans sacrifier l’autre ? Comment accepter l’imperfection et les arbitrages temporaires ?

Une approche systémique invite à réguler ces tensions, pas à les éliminer.

En matière de management, la pensée systémique invite à adopter une posture différente :

  1. Observer les boucles de rétroaction : une action produit un effet, qui à son tour agit sur l’action initiale. Une politique interne peut générer des comportements inattendus qui modifient la dynamique globale.
  2. Intégrer les effets retardés : certaines décisions ne produisent leurs impacts qu’à long terme, et souvent à des endroits inattendus de l’organisation.
  3. Privilégier les expérimentations locales et les ajustements progressifs, plutôt que les plans de transformation massifs et rigides. Il s’agit d’apprendre en marchant, d’ajuster sans chercher la perfection immédiate.

La systémique permet de mieux comprendre ce qui se joue sous la surface, de naviguer avec agilité dans les paradoxes.

Appliquer la systémique, c’est renoncer à l’illusion d’un contrôle total. C’est accepter la complexité et la temporalité longue des systèmes vivants. C’est cultiver une posture d’écoute, de curiosité et de questionnement permanent. Dans ces organisations où les règles implicites et les dynamiques informelles jouent un rôle central, la systémique permet de mieux comprendre ce qui se joue sous la surface, de naviguer avec agilité dans les paradoxes, et d’accompagner des équipes qui ne cessent de se réinventer.

par Virginie Jubault, coach certifiée (CT Transformance) et associée, Avocom.

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