Quand concurrence rime avec pénal. Les brèves du BLF 2023

BLR n°34 – 16/11/2023

Photo de couverture : Geoffroy GOUBIN et Edward HUYLEBROUCK, avocats associés, BOUGARTCHEV MOYNE ASSOCIES

Table ronde BLF 2023
Table ronde du BLF 2023, avec de gauche à droite : T. Sély, I. Luc, C. Testut, H. Djilali, G. Goubin et E. Huylebrouck

Plus d’une dizaine de dossiers du PNF concernent désormais la concurrence et ce n’est sans doute que le début. Comment anticiper ce nouveau risque pénal (programme de conformité, enquêtes internes, etc.)? Quelle coopération adopter avec le PNF et l’Autorité de la Concurrence (ADLC)? Quels sont les enjeux pour les dirigeants ? Quelles conséquences sur les procédures administratives négociées et leur articulation avec la justice pénale négociée ? Quel impact sur les droits de la défense ?

Nos invités reviennent en quelques mots décrypter quelques points sur les questions clés des sujets abordés au cours des tables rondes de la 15e édition du BLF (Business & Legal Forum) qui s’est tenu le 19 octobre 2023.

Irène LUC, vice-présidente, AUTORITE DE LA CONCURRENCE

La pénalisation du droit de la concurrence favorise-t-elle une meilleure régulation du marché ?

Le droit de la concurrence comporte, depuis toujours en France, un volet pénal. Sa source en est le délit de l’article L. 420-6 du code de commerce, qui réprime les personnes physiques ayant pris une part déterminante dans la commission d’une pratique anticoncurrentielle, d’une peine d’emprisonnement de quatre ans et d’une amende de 75 000 euros. La répression pénale complète la répression administrative exercée par l’Autorité de la concurrence sur deux aspects.

La pénalisation du droit de la concurrence favorise une meilleure régulation du marché.

En premier lieu, les pouvoirs des enquêteurs en matière pénale sont plus vastes que ceux des rapporteurs dans les enquêtes administratives. C’est ainsi que la faculté de placer en garde à vue ou d’installer des écoutes n’existe que dans la procédure pénale. De ce point de vue, la faculté, pour les rapporteurs de l’Autorité de la concurrence, saisie des mêmes faits, d’accéder au dossier pénal du juge d’instruction et d’utiliser des pièces dans leur propre dossier à l’appui de leurs griefs (l’accusation), facilite la recherche des preuves.

En second lieu, la poursuite coordonnée d’une entreprise devant l’Autorité, et de son responsable devant le juge pénal, est de nature à assurer une meilleure effectivité de la répression. La sanction de la personne physique permet de réprimer le véritable auteur de la pratique, qui y a pris une part déterminante, tandis que la sanction administrative est infligée à la personne morale, l’entreprise, qui peut avoir, entre temps, changé de dirigeants.

Pour ces deux raisons principales, efficacité des enquêtes et effectivité des sanctions, la pénalisation du droit de la concurrence favorise une meilleure régulation du marché.

Edward HUYLEBROUCK, Geoffroy GOUBIN avocats associés, BOUGARTCHEV MOYNE ASSOCIES

Face à une pénalisation croissante du droit de la concurrence : comment protéger les dirigeants et l’entreprise ?

Partons d’une certitude : il y a une résurgence du risque pénal en droit de la concurrence, même si le flou règne encore sur l’amplitude de ce risque. En attendant d’en savoir plus, notre conseil est de privilégier la prudence dans les affaires teintées à la fois d’un risque concurrence et d’un risque pénal. En l’état, il serait intrépide, voire kamikaze, pour une entreprise de se lancer dans une démarche négociée avec une autorité de concurrence, vu l’absence de garantie que l’autorité pénale restera passive (et cela vaut également en sens inverse).

En l’état, il serait intrépide, voire kamikaze, pour une entreprise de se lancer dans une démarche négociée avec une autorité de concurrence

Côté entreprise, le message est simple : il faut décloisonner les départements contentieux et concurrence et mettre en place des formations communes. Les mêmes rapporteurs de l’Autorité de la concurrence peuvent inspecter les locaux d’une entreprise soit avec une casquette concurrence, soit avec une casquette pénale tout en appliquant un corpus de règles bien distincts. Il est important de maîtriser ces règles dans toute leur diversité.

Côté dirigeant, en période de calme, tout dirigeant doit mettre à jour ses délégations de pouvoir pour tenir compte du risque concurrence et s’assurer que son périmètre d’action est bien délimité. En période d’agitation, si le dirigeant se retrouve malgré lui témoin de situations à risque, il doit s’en désolidariser par écrit le plus rapidement possible et conserver une trace de cet écrit. En pleine tempête, si l’entreprise tombe sous le coup d’une enquête, le dirigeant devra soigneusement préparer son audition avec l’assistance de son propre conseil car il s’expose désormais à un risque supplémentaire : celui de l’auto incrimination personnelle en matière pénale.

Thomas SELY, senior managing director, FTI CONSULTING

Quels réflexes et conseils donner aux équipes avant une perquisition de l’Autorité de concurrence ?

Beaucoup ont déjà pensé des plans de réponse et toute une marche à suivre au moment de la visite d’une autorité. Néanmoins, les procédures ne sont pas forcément à jour des dernières évolutions.

Puisque salariés et responsables informatiques sont sollicités d’une manière nouvelle, ils sont à former davantage. Les premiers doivent notamment être sensibilisés aux enjeux des perquisitions à domicile avec le risque de se voir saisir des données stockées sur des équipements personnels.

Les responsables informatiques ont quant à eux un rôle devenu central dans la mise à disposition des données, notamment celles stockées sur le cloud omniprésent au sein des entreprises.

Les responsables informatiques ont quant à eux un rôle devenu central dans la mise à disposition des données, notamment celles stockées sur le cloud omniprésent au sein des entreprises. Un excellent réflexe est d’inventorier toutes les sources de données et équipements informatiques ayant fait l’objet d’une inspection et de faire une copie de tout ce qui a été saisi ou remis aux enquêteurs.

Cela permettra à l’entreprise et à ses conseils d’avoir immédiatement à disposition les éléments nécessaires pour faire les contestations d’usage et pour conduire l’analyse de risque. Cela sera d’autant plus utile si aucun inventaire ni copie des données saisies n’est laissé par les enquêteurs, ce qui est le cas des perquisitions opérées par la voie pénale.


Cette tribune est un extrait de l’une de nos tables rondes. Pour prendre connaissance de l’ensemble des travaux de nos tables rondes, participez à nos rencontres, elles sont particulièrement riches en retours d’expérience tant des entreprises que des autorités et des conseils. TOUT SAVOIR.


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