Les deux assemblées votent un texte modifiant le régime juridique des class actions à la française
BLR n° 50 – 15/05/2025
Après avoir accusé un retard conséquent pour transposer en droit français la directive (UE) 2020/182 relative aux actions représentatives, la France est sur le point de se conformer au droit européen. Une proposition de loi ambitieuse avait été déposée à l’Assemblée nationale le 15 décembre 2022, mais l’examen de cette proposition avait subi un coup d’arrêt en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le Président de la République le 9 juin dernier.
Cette proposition a subi un nouveau coup d’arrêt, puisqu’un projet de loi beaucoup moins ambitieux a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 31 octobre 2024, qui reprend la directive européenne dans une transposition a minima. Le 1er avril 2025, celui-ci a fait l’objet d’un compromis en commission mixte paritaire qui a permis de réintroduire certaines dispositions plus ambitieuses de la proposition initiale. C’est ce projet qui a finalement été voté par les deux assemblées les 2 et 3 avril 2025.
La France, comme les autres Etats membres de l’Union européenne, avait jusqu’au 25 décembre 2022 pour transposer en droit national la directive (UE) 2020/1828 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs, qui devait entrer en vigueur le 25 juin 2023. Plus de vingt mois après cette date limite, la directive est enfin en voie d’être transposée en droit français.

Cette proposition a subi un nouveau coup d’arrêt, puisqu’un projet de loi beaucoup moins ambitieux a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 31 octobre 2024, qui reprend la directive européenne dans une transposition a minima.
Pourtant, une proposition de loi visant à modifier le régime juridique des actions de groupe avait été déposée à l’Assemblée nationale le 15 décembre 2022. Adopté le 8 mars 2023 après l’engagement de la procédure accélérée, le texte introduisait de notables changements visant à faciliter le recours aux actions de groupe par les consommateurs : extension de la qualité pour agir à des entités autres que des associations agréées, élargissement des préjudices réparables, suppression de la mise en demeure préalable, création d’une sanction civile en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels …
Le 6 février 2024, le Sénat est revenu sur la plupart d’entre elles, considérant que seules les associations agréées par une autorité administrative devraient agir pour engager une action de groupe, que la mise en demeure préalable favorisait la résolution amiable des différends ou encore que la sanction civile s’assimilait à des dommages-intérêts punitifs inconnus du droit français.

Adopté le 8 mars 2023 après l’engagement de la procédure accélérée, le texte introduisait de notables changements visant à faciliter le recours aux actions de groupe par les consommateurs.
Le gouvernement a fait le choix d’abandonner cette proposition et de transposer la directive européenne par un projet de loi moins ambitieux, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 31 octobre 2024 ayant pour objet d’adapter le régime juridique des actions de groupe en matière de consommation, de santé et de données personnelles. Le texte adopté en commission mixte paritaire le 1er avril 2025 confirme la majeure partie des modifications proposées dans le projet de loi et intègre à nouveau des éléments qui étaient inclus dans la proposition de loi.
Les mesures, ayant vocation à transposer la directive, maintenues par la commission mixte paritaire
Le projet de loi prévoyait, en premier lieu, d’ouvrir la qualité à agir devant les juridictions nationales aux entités agréées dans d’autres Etats membres, par une procédure d’agrément transfrontière mise en place dans chaque Etat membre, selon le principe de reconnaissance mutuelle. Le projet de loi créait également de nouvelles dispositions relatives aux actions transfrontalières :
définition et champ d’application, ainsi qu’une procédure de contrôle de la qualité pour agir en cas de contestation. La commission mixte paritaire reprend cette nouveauté en prévoyant, en ligne avec la Directive européenne, qu’une liste publiée au Journal officiel de l’Union européenne recensera les organismes disposant d’un tel agrément.

Le projet de loi prévoyait, en premier lieu, d’ouvrir la qualité à agir devant les juridictions nationales aux entités agréées dans d’autres Etats membres, par une procédure d’agrément transfrontière mise en place dans chaque Etat membre, selon le principe de reconnaissance mutuelle.
En deuxième lieu, le projet de loi prévoyait de supprimer l’obligation de mise en demeure préalable à l’introduction d’une action de groupe, l’une des seules réminiscences de la proposition de loi abandonnée. Le compromis trouvé par la commission mixte paritaire confirme cette suppression.
En troisième lieu, le projet de loi prévoyait un élargissement de la nature des préjudices indemnisables des consommateurs dans le cadre d’une action de groupe en réparation. Cet élargissement a été confirmé en commission mixte paritaire. Les préjudices indemnisables ne se limitent, par conséquent, plus seulement aux préjudices matériels mais sont étendus aux préjudices quelle qu’en soit la nature.

Le projet imposait des mesures d’information du public et des personnes susceptibles d’être concernées par une action de groupe intentée par les associations habilitées, à la fois sur le lancement des actions de groupe, leur état d’avancement et leurs résultats.
En quatrième lieu, lorsque le juge déclare l’action de groupe irrecevable ou la rejette, le projet de loi prévoyait qu’il peut ordonner, à la charge du demandeur, les mesures d’information adaptées pour porter cette décision à la connaissance des personnes susceptibles d’être concernées par l’action. Ce pouvoir du juge figure bien dans la loi telle que votée.
Enfin, le projet imposait des mesures d’information du public et des personnes susceptibles d’être concernées par une action de groupe intentée par les associations habilitées, à la fois sur le lancement des actions de groupe, leur état d’avancement et leurs résultats. Cette nouveauté a aussi été reprise en commission mixte paritaire.
Les mesures réintroduites par la commission mixte paritaire : mise en place d’une amende civile, ouverture aux associations non agréées et contrôle des conflits d’intérêts du demandeur
Il faut aussi noter des changements importants intégrés dans le compromis de la commission mixte paritaire :
- Les associations non-agréées pourront agir – mais uniquement en cessation du manquement – à condition de justifier de vingt-quatre mois d’activité effective et publique ;
- Un nouvel article 1254 du Code civil introduit une amende civile lorsqu’une personne est « reconnue responsable d’un manquement aux obligations légales ou contractuelles afférentes à son activité professionnelle ». Cette amende civile sera prononcée si l’auteur du dommage commet délibérément une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indue. La sanction pourra aller jusqu’au quintuple du profit retiré pour les personnes morales. Cet article ne sera applicable que pour les actions dont le fait générateur de responsabilité est postérieur à la publication de la loi.
- Les actions peuvent être financées par des tiers à condition que ce financement n’ait ni pour objet ni pour effet l’exercice par le tiers d’une influence sur l’introduction ou la conduite d’actions de groupe, susceptible de porter atteinte à l’intérêt de personnes représentées. Ce financement devra faire l’objet d’une publication.
- L’institution d’un contrôle des conflits d’intérêts éventuels du demandeur.
Les deux assemblées ont voté ce texte les 2 et 3 avril 2025. Il devrait donc être promulgué et entrer en vigueur très prochainement.
Les auteurs

Christelle Coslin est associée en contentieux chez Hogan Lovells Paris, spécialisée dans les litiges transfrontaliers et commerciaux. Elle conseille des groupes internationaux dans les secteurs automobile, technologique, santé, énergie et industriel. Son expertise se concentre sur les stratégies contentieuses et les solutions concrètes pour entreprises confrontées à des environnements réglementaires complexes. Elle accompagne les sociétés face à l’évolution du droit français, notamment concernant les actions de groupe et la responsabilité des produits. Co-responsable de la pratique mondiale Business & Human Rights, elle possède une solide expérience en droit international et gestion de litiges transfrontaliers. Elle est également experte en enquêtes internes sur des allégations de fraude. Diplômée de Sciences Po Paris avec un DEA en droit international, elle conseille les entreprises confrontées à des défis juridiques internationaux.

Nicolas Rohfritsch est collaborateur senior au sein de l’équipe Contentieux d’Hogan Lovells à Paris. Il conseille et assiste des entreprises dans leurs litiges commerciaux et en responsabilité du fait des produits, en particulier dans un contexte international, et ce, à toutes les étapes, de la phase précontentieuse aux juridictions civiles et commerciales. Diplômé en droit et d’HEC Paris, il adopte une approche pragmatique et constructive, en se concentrant sur les problématiques commerciales et industrielles de ses clients. Il a aussi développé une expertise spécifique en matière de reconnaissance et d’exécution de décisions étrangères en France
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