Entre conformité et leadership : Eric Lasry, le pilote de Baker McKenzie Paris
BLR n° 47 – 20/02/2025
Photo de couverture : Eric Lasry.
À la tête de Baker McKenzie Paris, l’un des cabinets d’avocats d’affaires majeurs de la capitale, Eric Lasry conjugue cultures juridiques française et américaine. Membre des barreaux de Paris et de l’Illinois, il a enrichi son expertise pendant plus d’une décennie aux États-Unis avant de créer le département Compliance & Investigations à son retour en France.
En tant que Managing Partner, il jongle quotidiennement entre le pilotage stratégique du bureau parisien et ses équipes de plus de 170 avocats (un exercice d’équilibriste qui requiert autant de diplomatie que de gérer une négociation complexe), tout en maintenant une pratique active en droit des affaires. Expert des enjeux de conformité et de gouvernance, il accompagne les entreprises dans la conception et le déploiement de leurs programmes. Sa compréhension approfondie de ces problématiques l’amène naturellement à préparer et suivre les contrôles menés par l’Agence Française Anticorruption ou encore à mener des enquêtes internes – une expertise qui lui permet de garder son calme même face aux situations les plus épineuses.
Rencontre avec ce juriste, conjuguant le métier d’avocat et celui de dirigeant d’entreprise, qui a accepté de quitter quelques instants ses dossiers pour partager son parcours, entre confidences professionnelles et personnelles, dans notre rubrique « Portrait ».
Votre job description ?
J’ai une double casquette : avocat et Managing Partner du cabinet Baker McKenzie à Paris. J’interviens en M&A et en compliance. Je dirige la pratique « Enquêtes Internes et Compliance » au sein du cabinet Baker McKenzie à Paris. La compliance a connu un essor considérable depuis la Loi Sapin 2 ; elle est devenue un enjeu important à prendre en compte, notamment dans le cadre des fusions acquisitions. J’ai également développé avec mon équipe une ligne de services ESG, qui devient incontournable.

Au quotidien, je suis en prise directe avec l’actualité et la géopolitique, ce qui rend mon métier passionnant.
Ma seconde casquette, celle de Managing Partner, exige diplomatie et tact, et des qualités d’écoute et d’empathie. J’ai un tempérament consensuel, ce qui n’empêche pas de prendre des décisions difficiles. Dans toutes les situations, c’est l’intérêt de nos clients qui prévaut. J’ai assuré plusieurs de fonctions de leadership au sein de la firme et ai été membre du Comité Exécutif Monde. Je suis viscéralement attaché au cabinet, que j’ai vu grandir et se développer pour devenir un acteur majeur dans le monde du droit des affaires. Au quotidien, je suis en prise directe avec l’actualité et la géopolitique, ce qui rend mon métier passionnant. La période troublée que nous traversons actuellement, faite de crises et d’incertitudes, exige que l’on soit encore plus vigilant pour protéger nos clients et gérer les risques qui se profilent.
Vos plus grands défis ?
Donner envie aux avocats et salariés du cabinet de donner le meilleur d’eux-mêmes en créant un environnement collaboratif et stimulant. Je crois aussi à la « désirabilité » pour les cabinets d’avocats, et ce facteur s’applique aussi bien à nos clients qu’à nos collaborateurs. L’autre grand défi est celui de l’adaptabilité.

Je crois à la « désirabilité » pour les cabinets d’avocats et ce facteur s’applique aussi bien à nos clients qu’à nos collaborateurs.
Les besoins de nos clients ont considérablement évolué au cours des 20 dernières années, vers une recherche de forte valeur ajoutée. C’est dans les opérations complexes que nous pouvons le mieux mettre à profit nos compétences. C’est principalement sur ce segment que nous nous positionnons.
Pourquoi avez-vous choisi le droit ?
J’ai assisté très jeune à une conférence avec Samuel Pisar, qui incarnait selon moi la quintessence de l’avocat international. Il a fortement contribué à ce choix. Survivant de la Shoah, Samuel Pisar a connu une brillante carrière d’avocat international et est devenu par la suite conseiller du président Kennedy. Très tôt, j’ai souhaité évoluer dans un environnement international, afin de pouvoir appréhender des cultures différentes. Baker McKenzie s’est présenté comme un choix naturel car il incarnait « LE » cabinet international par excellence, présent sur tous les continents et multiculturel. Il était, de plus, dirigé à Paris par une femme (un cas unique à l’époque), et devint plus tard présidé au niveau mondial par une autre femme, française de surcroît, Christine Lagarde.

En travaillant dans plusieurs systèmes juridiques, nos avocats reviennent mieux armés, partagent les pratiques internationales et cultivent l’esprit d’ouverture qui caractérise Baker McKenzie.
Cette culture basée sur l’excellence, la démocratie, la tolérance et la transparence, m’a immédiatement séduit. Ce choix m’a permis de partir aux Etats-Unis, à peine trois après avoir rejoint le cabinet parisien, dans le cadre de notre Associate Training Program (ATP). Ce programme permet à nos avocats de se familiariser avec l’univers juridique d’un autre pays dans l’un de nos 75 bureaux étrangers. En travaillant dans plusieurs systèmes juridiques, nos avocats reviennent mieux armés, partagent les pratiques internationales et cultivent l’esprit d’ouverture qui caractérise Baker McKenzie. En ce qui me concerne, mon séjour d’un an s’est transformé en dix années passées à Chicago, ville de naissance de notre firme. Les quatre premières années ont été particulièrement intenses ; mes journées de travail au cabinet se poursuivaient avec des cours du soir à l’université afin d’obtenir mon J.D. (Juris Doctor) et, dans la foulée, le barreau de l’Illinois.
Quels enjeux d’avenir pour votre profession ?
L’IA, sans aucun doute, et la capacité des grands cabinets structurés à s’adapter à un business model qui va considérablement évoluer. Nous sommes très engagés dans cette voie pour que nos avocats deviennent des « avocats augmentés » grâce à l’IA générative. L’IA nous permet d’être encore plus efficaces, et nous apporte des gains de productivité, mais pour l’instant en tous cas, elle est incapable de remplacer nos avocats.

La souplesse permet de s’adapter au changement. Mieux vaut être roseau que chêne en cas de tempête
Plus généralement, les gagnants seront ceux qui sauront faire les bons choix tout en étant prêts à se remettre en question régulièrement et à faire preuve de souplesse et de flexibilité. La souplesse permet de s’adapter au changement. Mieux vaut être roseau que chêne en cas de tempête.
Les qualités essentielles d’un avocat ?
Le discernement (le terme anglais est judgment), la connaissance de l’industrie dans laquelle évoluent ses clients, l’écoute, l’adaptabilité et la pugnacité. La compétence va de soi.
Les qualités essentielles d’un juriste d’entreprise ?
En plus de ce qui précède, sans doute un sens accru du « politique » pour naviguer dans des structures parfois complexes. Ceci dit, les différences s’estompent et les passages entre le monde de l’entreprise et celui des cabinets sont de plus en plus fréquents. Le fonctionnement d’une direction juridique s’apparente de plus en plus à celui d’un cabinet d’avocats.
Les profils idéaux pour bosser avec vous ?
Des profils d’excellence, avec une forte capacité d’adaptation, qui aiment les clients, ont le sens de l’humour et ne lâchent rien. Comme dans le code d’honneur du légionnaire, la mission est sacrée !
Trois personnes/personnalités que vous aimeriez embaucher pour compléter votre équipe ? (célèbres, fictives, vivantes ou décédées)
Je suis ravi de mon équipe – En revanche, j’inviterais bien à dîner Winston Churchill pour écouter son analyse des grands conflits géopolitiques du moment, Olympe de Gouges – que j’ai appris à connaître grâce à l’une de mes filles – et Françoise Sagan pour faciliter le plan de table et rire ! J’aurais aimé connaître les salons littéraires du 18ème siècle.
Qu’est-ce que vous aimeriez faire différemment dans votre vie quotidienne ?
Apprendre à flâner et laisser davantage de place à une certaine forme de légèreté.
Quel autre métier auriez-vous fait si vous n’aviez pas été avocat ?
Il y en a beaucoup ! Commissaire-priseur, galeriste, photographe, journaliste, ou écrivain … La France est le pays rêvé pour les écrivains qui y seront toujours bien plus admirés et vénérés que n’importe quel neurochirurgien ou patron du CAC 40 !
Le livre que vous auriez aimé écrire ? Le livre que vous lisez actuellement ?
J’aurais aimé écrire « Belle du Seigneur ». Actuellement, je relis « Portnoy’s Complaint » de Philip Roth, l’un de mes écrivains préférés.

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