Coline Vuillermet, fondatrice et présidente de Néo-Justice
Photo de couverture : Coline Vuillermet, fondatrice et présidente de Néo-Justice
BLR n°41 -11/07/2024
Pour la BLR, Virginie JUBAULT a posé ses questions à Coline Vuillermet, fondatrice et présidente de Néo-Justice
Coline en quelques mots
Coline Vuillermet a commencé sa carrière en tant qu’avocat au sein du cabinet Veil Jourde avant de rejoindre le cabinet Skadden, Arps à Paris où elle a longuement travaillé avec Pierre Servan-Schreiber. Coline a ensuite été recrutée par UniCredit à Paris en tant que Directrice Juridique & Conformité dont elle est devenue par la suite Chief Operating Officer. Fin 2023, Coline quitte UniCredit et se consacre à Néo-Justice la startup qu’elle avait fondée en 2022.
En quoi consiste votre travail ?
Mon travail consiste à proposer une solution inédite de résolution extra-judiciaire des litiges 100% en ligne. Cette solution permet de résoudre les litiges de manière simple, rapide (quelques jours et au maximum 2 mois) et peu onéreuse. Son objectif : aider les entreprises, les avocats, les experts-comptables, etc. à optimiser la gestion de leurs litiges.
Nous proposons deux types de résolutions. La première est une résolution amiable par le biais de la négociation optimisée en ligne. Notre solution, basée sur une technologie propriétaire, permet aux parties de conduire une négociation classique, en se faisant des offres et des contre-offres mais également de confronter leurs concessions maximales, sans qu’elles ne soient dévoilées à l’autre partie et de finaliser l’accord en ligne, le cas échéant. La seconde est une résolution plus contentieuse par le biais d’un arbitrage en ligne rendu en moins de 2 mois. Ces 2 solutions répondent à la problématique d’optimisation à laquelle sont confrontés tant les directions juridiques que les avocats.
Dans mes précédentes fonctions de directrice juridique et conformité, je devais faire face à une baisse constante des budgets alloués à ma direction que ce soit en termes de ressources humaines ou de montants alors que le niveau d’activité était croissant. Le fameux « do more with less » !
Lorsque j’étais avocat, la nécessité d’optimiser était également omniprésente pour pouvoir continuer à servir au mieux des clients soumis à des restrictions budgétaires. De plus en plus d’entreprises sélectionnent leurs avocats par le biais d’appels d’offres et le plus compétitif l’emporte, ce qui n’est pas toujours évident car le point mort d’un cabinet d’avocats est élevé.
En matière de litiges, j’avais également identifié 2 angles morts : comment traiter de manière rentable les petits litiges des clients et quelles solutions proposer pour résoudre des litiges pour lesquels une résolution rapide était nécessaire.
Moi qui avais toujours rêvé d’être entrepreneur et qui face à chaque problème cherchais comment le résoudre par l’innovation, je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire. J’ai longuement réfléchi au mode alternatif de règlement des litiges qui pourrait être le plus adapté, je me suis formée à la médiation et ai étudié ce qui était proposé dans les autres pays. Il m’est apparu évident que ce qui manquait dans les dispositifs existants était une aide, dès le 1er stade de la résolution d’un litige, à savoir la négociation, qui permettrait de maximiser les chances de résolution amiable dès cette première phase. Il était également nécessaire d’accompagner les parties au cas où la négociation n’aurait pas abouti, c’est la raison pour laquelle nous proposons également des arbitrages en ligne rendus en moins de 2 mois.
Néo-Justice offre ainsi aux entreprises, aux avocats et aux professionnels de manière générale une solution de résolution rapide, efficace et peu coûteuse permettant d’optimiser et de simplifier la gestion des litiges.
Quelles responsabilités ? Quels enjeux d’avenir ?
Ma responsabilité est d’offrir un service toujours plus innovant, performant et qui répond aux attentes de nos clients. Les enjeux sont multiples car il faut avancer vite en France et gérer l’expansion internationale. Néo-Justice s’internationalise en effet beaucoup plus vite que ce que j’avais imaginé. Je suis sollicitée par de nombreuses personnes dans différents pays qui veulent utiliser notre technologie. Nos services seront disponibles au Canada à la rentrée et je travaille actuellement à plusieurs implantations dans différents pays.
Quelles sont les qualités essentielles d’un entrepreneur du droit ?
Je pense que les qualités essentielles d’un entrepreneur du droit ne sont pas très différentes de celles requises pour être un entrepreneur quel que soit le domaine d’activité. Il faut être un bon technicien dans le domaine dans lequel la startup évolue et avoir les qualités d’un entrepreneur c’est-à-dire être innovant, visionnaire, pragmatique, avoir le sens des affaires et surtout une détermination sans faille.
Une bonne idée ne vaut rien si elle n’est pas exécutée par une bonne équipe.
Il faut aussi savoir s’entourer des bonnes personnes et créer une équipe solide, soudée et motivée. Une bonne idée ne vaut rien si elle n’est pas exécutée par une bonne équipe. A cet égard, mon expérience en tant que Chief Operating Officer m’a énormément appris en termes de recrutement, de gestion des équipes, de valeurs, etc.
Quelles sont les profils idéaux avec lesquels vous aimez travailler ?
Une startup à raison d’être comme Néo-Justice doit s’appuyer non seulement sur des personnes excellentes dans leurs domaines mais qui sont également convaincues par notre mission. C’est le premier étage de la fusée.
Le deuxième étage de la fusée est le « mindset ». Je ne m’entoure que de personnes pragmatiques et à la recherche de solutions. Quand on lance une startup, on est confronté à de nombreuses difficultés qu’il faut savoir contourner rapidement par le biais de solutions créatives et innovantes. Il est donc crucial d’avoir des personnes qui ne se laissent pas stopper par les imprévus ou les problèmes. Ces qualités techniques et cet état d’esprit sont nécessaires mais non suffisantes à mes yeux. Les qualités humaines et une éthique irréprochable sont clé. Je veux une atmosphère saine et sereine et ne suis prête à aucun compromis sur ce point.
L’équipe de Néo-Justice qui compte aujourd’hui une vingtaine de personnes est le reflet de cette préoccupation constante d’allier excellence et valeurs humaines.
Votre plus grande réussite ?
Ma plus grande réussite est d’avoir eu le courage de ne pas poursuivre une carrière relativement tracée au sein d’un grand groupe pour, à 45 ans, réaliser mon rêve en lançant Néo-Justice.
Depuis que je suis enfant, je rêve de devenir entrepreneur. Rêve peu courant dans les années 90 ! Cela m’a conduite à imaginer mille entreprises que je pourrais créer, à intervenir lorsque j’étais avocat en pro bono dans les incubateurs de startups des grandes écoles, à visionner inlassablement les présentations faites par les entrepreneurs de la Silicon Valley aux étudiants de Stanford, etc. J’étais fascinée par cet univers auquel je rêvais d’appartenir.
A la fin de mes études, j’avais l’idée de créer une startup offrant des services à destination des personnes dépendantes, il n’y avait aucune offre à l’époque mais j’ai cédé à la facilité, j’ai eu une offre de collaboration dans un cabinet d’avocats prestigieux, j’y suis allée. Ma carrière s’est poursuivie dans le monde de l’entreprise mais mon rêve ne m’a jamais quittée et les regrets de ne pas m’être lancée dans l’entrepreneuriat à l’issue de mes études me tenaillaient. Il est en effet plus facile de prendre ce risque quand on n’a pas grand-chose à perdre que quand on a un super job et une famille à nourrir.
La bascule a eu lieu quand j’ai eu l’idée de Néo-Justice. Je ne pouvais pas ne pas lancer cette startup qui répond de manière inédite, simple et peu coûteuse à un problème majeur pour toutes les parties prenantes, c’était une évidence et c’est devenu une obsession.
Votre plus grosse galère ?
Des galères quand tu es entrepreneur, tu en as tous les jours mais tu les oublies vite car tu es tellement porté par ce que tu fais que tu ne t’arrêtes pas à ça… et parce qu’il faut déjà faire face à la prochaine !
L’erreur que referiez-vous ?
Il n’y a pas chez Néo-Justice d’erreur qui a changé notre destinée, comme chez les Tatin. Les erreurs restent des erreurs mais elles m’ont tellement appris ! Sur la partie développement informatique notamment, je n’avais strictement aucune connaissance ni intérêt pour la manière, j’ai donc découvert sur le tas. Quand les développeurs me demandaient « on fait ça ou ça ? », je ne mesurais pas l’impact d’une option par rapport à l’autre et le coût associé à un changement d’avis si l’option que j’avais initialement choisie s’avérait la mauvaise…
Je ne referais donc pas les mêmes erreurs mais je vois ce qu’elles m’ont apporté.
Qu’est-ce que tu aimerais faire différemment dans votre vie quotidienne ?
J’aimerais avoir un rôle moins central dans la commercialisation. Cela me prend beaucoup de temps et bien qu’il soit important que j’échange avec les clients, je ne suis pas certaine que ce soit une organisation optimale.
Quel autre métier aurais-tu choisi ?
J’ai déjà exercé plusieurs métiers au cours de ma vie : avocat, directrice juridique & conformité, Chief Operating Officer et maintenant entrepreneur. J’aime tellement ma vie d’entrepreneur que je ne voudrais pas en changer.
L’appréciation professionnelle qui t’a marquée ?
C’est une blague plus qu’une appréciation qui m’a marquée. Après avoir négocié âprement dans le cadre d’un litige dont l’enjeu était de plusieurs millions d’euros, le numéro 2 du groupe pour le compte duquel je négociais m’a appelée pour dire : « Il y a une blague qui circule chez nous : quelle est la différence entre un pitbull et Coline Vuillermet ? Le pitbull finit toujours par lâcher ! ».
Quels sont tes référents ?
Mes role models sont évidemment les grands entrepreneurs mais aussi les femmes qui ont fait bouger les lignes en matière de justice comme notamment Ruth Bader Ginsburg aux Etats-Unis.
Au-delà de ces personnes médiatiques, je suis très observatrice et m’inspire de toutes les personnes que je croise soit en voulant prendre exemple sur elles, soit en me disant c’est exactement le chemin qu’il ne faut pas prendre !
Le livre que tu aurais aimé écrire ?
J’hésite entre l’œuvre poétique de Victor Hugo ou celle de Lamartine. J’aime beaucoup la poésie. J’en écris d’ailleurs lorsque j’ai un peu de temps. Je suis fascinée par la justesse de leurs mots et leurs sensibilités. Chacun de leurs poèmes est une invitation très puissante à réfléchir au temps qui passe, aux sentiments, à la nature, etc.
Le livre que tu lis actuellement ?
Je relis « Poteaux d’angles » d’Henri Michaux, un de mes livres préférés. J’aime l’écriture courte et percutante des aphorismes qui ressemble à de la poésie. J’aime cette œuvre car elle traite de manière très interpellante de sujets essentiels comme le rapport à l’autre et l’impérieuse nécessité de s’approprier sa vie par ses choix.
Ton film préféré ?
Je ne suis pas une grande cinéphile mais j’aime les films qui me font découvrir un univers dont j’ignorais les codes, comme Miss Sloane par exemple. Jessica Chastain y incarne avec beaucoup de talent une très ambitieuse lobbyiste à Washington.
La pire injure ?
Je déteste toutes les injures.