Anticorruption, le choix du moniteur : une décision stratégique
Photo de couverture : Nicola Bonucci, managing director au sein du département Global Trade and Investigations & White Collar Defense, Paul Hastings Paris.
La lutte contre la corruption est incontestablement une priorité de l’administration Biden. Sommet pour la démocratie, stratégie nationale de lutte contre la corruption, annonce que ladite lutte constitue un “core national interest” des États-Unis sont autant de marqueurs forts.
Il en est un qui est passé plus inaperçu : l’annonce du retour des moniteurs.
Le mémorandum “Monaco” du nom de la Deputy Attorney General Lisa Monaco rendu public en novembre dernier est explicite à ce sujet.
Ainsi, selon le mémorandum Monaco, « dans la mesure où les orientations antérieures du DoJ suggéraient que les contrôles étaient déconseillés ou constituaient l’exception », ces orientations sont annulées. Dorénavant, le DoJ « est libre d’exiger l’imposition de contrôleurs indépendants, chaque fois qu’il est approprié de le faire afin de convaincre nos procureurs qu’une entreprise respecte ses obligations de conformité et de divulgation en vertu du DPA ou du NPA ».
Le DoJ « est libre d’exiger l’imposition de contrôleurs indépendants, chaque fois qu’il est approprié de le faire
Cette nouvelle approche a été accompagnée de la publication d’un mémorandum du DoJ intitulé « Corporate Crime Advisory Group and Initial Revisions to Corporate Criminal Enforcement Policies ». Le mémorandum fournit des conseils aux procureurs sur les circonstances dans lesquelles il convient d’imposer un contrôleur aux entreprises. Ainsi le DoJ “devrait favoriser l’imposition d’un contrôleur, lorsqu’il est démontré qu’il est nécessaire et qu’il est clairement avantageux de le faire « , indique le mémorandum.
Si le moniteur est souvent perçu comme une contrainte par l’entreprise cela
peut également constituer une opportunité.
Alors que le pays qui a inventé cette figure la remet à l’ordre du jour, d’autres pays, y compris la France, paraissent vouloir s’en inspirer. Or, si le moniteur est souvent perçu comme une contrainte par l’entreprise, cela peut également constituer une opportunité.
En effet, un moniteur peut être tout aussi bien la résultante d’un choix volontaire de l’entreprise et pas uniquement la réponse obligatoire d’une exigence des autorités publiques. Ces deux cas de figure obéissent bien évidemment à des logiques différentes et ne posent pas les mêmes enjeux pour les entreprises mais, dans les deux cas, les caractéristiques du “bon moniteur” sont sinon identiques, du moins similaires.
En premier lieu, le moniteur doit être indépendant et n’avoir aucun conflit réel ou apparent.
En second lieu, il doit être un médiateur honnête de différents intérêts, seule manière de rester crédible tant vis-à-vis de l’entreprise que des autorités ou des autres parties prenantes. Il doit accompagner et guider les entreprises et rendre compte en tant que nécessaire aux autorités/parties prenantes, et ceci, en toute transparence.
En troisième lieu, le moniteur doit être un excellent communicant tant à l’écrit qu’à l’oral. Cet aspect souvent sous-estimé est pourtant essentiel. Le bon médiateur doit interagir avec les différents niveaux de l’entreprise, il doit questionner et être prêt à remettre en cause le syndrome du “on a toujours fait comme ça”.
En quatrième lieu, un bon moniteur doit être une valeur ajoutée pour l’entreprise. A ce titre, la présence d’un moniteur peut être un élément d’évolution et de changement bienvenu pour l’entreprise.
En dernier lieu, le bon moniteur est celui qui occupe ses fonctions sans préjugés ou idées préconçues, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Il doit comprendre la culture de l’entreprise et la remettre en cause si besoin sans vouloir changer pour changer. En même temps, sa crédibilité et son indépendance le conduisent à demeurer un observateur externe.