Marion Germa, fondatrice de MG Conseil
Photo de couverture : Marion Germa, fondatrice de MG Conseil. « J’aime le message que véhicule une photo, générée aujourd’hui et reprenant des codes appartement volontairement à une époque révolue : être spécialiste d’un sujet on ne peut plus moderne n’est pas antagoniste avec le fait de respecter et poursuivre certaines valeurs, ni remettre en cause la totalité d’un passé dont certaines choses sont à poursuivre et renouveler. »
BLR n°42 -12/09/2024
Pour la BLR, Virginie JUBAULT a posé ses questions à Marion Germa, fondatrice de MG Conseil
Pour la BLR, Virginie Jubault a posé ses questions à Marion Germa. Marion est diplômée de Sciences Po Paris, elle a été collaboratrice parlementaire à l’Assemblée nationale avant de rejoindre IBM comme Directrice de cabinet du Directeur Général, puis Doctrine, où elle a exercé pendant 4 ans le rôle de Responsable des relations avec les grands cabinets d’avocats. Marion vient de fonder sa propre entreprise.
Marion en quelques mots
Marion est diplômée de Sciences Po Paris, elle a été collaboratrice parlementaire à l’Assemblée nationale avant de rejoindre IBM comme Directrice de cabinet du Directeur Général, puis Doctrine, où elle a exercé pendant 4 ans le rôle de Responsable des relations avec les grands cabinets d’avocats. Marion vient de fonder sa propre entreprise.
En quoi consiste votre travail ?
J’accompagne et je forme des dirigeants et des équipes d’entreprises et cabinets d’avocats dans la transformation de leur structure à l’aube du déploiement de l’Intelligence Artificielle. Mon rôle est avant tout d’écouter et de comprendre : les interrogations, les besoins, les réserves, les blocages, les aspirations. Dans un second temps, j’essaye de trouver le bon angle pour accompagner de la façon la plus juste possible les associés dans leur démarche.
Quelles responsabilités ?
Ma mission est d’accompagner la transformation d’une profession – et souvent d’une vocation – reposant sur la réflexion, la sédimentation, l’interprétation et la création de normes régissant l’intégralité de notre société depuis des millénaires, en valorisant et augmentant les capacités du cerveau humain sans pour autant chercher à le remplacer, ni l’atrophier, bien au contraire. L’Intelligence Artificielle, quand elle est utilisée avec justesse et à bon escient, peut et doit rendre justice à la noblesse de la profession juridique, et lui permettre de s’adapter aux enjeux sociétaux et normatifs actuels. Ma responsabilité est de trouver le bon positionnement pour accompagner avec empathie mais détermination les avocats et juristes souhaitant prendre part à cette transformation.
Quels enjeux d’avenir ?
Les enjeux d’avenir sont au cœur de mon activité, tant dans la forme que dans le fond. L’Intelligence Artificielle et notamment l’Intelligence Artificielle générative est en effet un domaine relativement récent, particulièrement en France en évolution constante, et amorçant un nouveau paradigme aux enjeux d’adaptation essentiels, confinant parfois même à des questions de survie pour certaines professions, les professions du domaine juridique en particulier. Les enjeux sont multiples et personne ne peut ignorer aujourd’hui cette révolution qu’est celle de la digitalisation générée par Internet, et de la génération automatique suscitée par l’IA. Les enjeux sont à mon sens avant tout éthiques, plus que techniques : comment bien utiliser l’IA, vis-à vis de ses collaborateurs comme de ses clients ? Comment en faire une source de productivité et de création de lien, plutôt qu’une Hydre de Lerne menaçant chacune et chacun dans son quotidien professionnel ? Jusqu’où utiliser les outils à notre disposition pour gagner du temps, de l’argent, de la précision et de la qualité dans son quotidien, et quand faire davantage confiance à son intuition et son expérience plutôt qu’à une machine, contenant certes beaucoup plus d’informations qu’un cerveau humain, mais dépourvue d’âme, et aujourd’hui encore de sens critique
Quelles sont les qualités essentielles d’un entrepreneur du droit ?
Je suis persuadée que croire profondément en ce qu’on fait (pas toujours en sa justesse, mais systématiquement en sa justice), persévérer malgré toutes les potentielles objections et savoir bien s’entourer (et bien écouter) sont des qualités essentielles pour un entrepreneur du droit. La compréhension des attentes des différents protagonistes, les qualités humaines et l’expertise en sa matière sont évidemment des pré-requis. Savoir rebondir et s’adapter à tous les profils et tous les milieux est également fondamental.
Quelles sont les profils idéaux avec lesquels vous aimez travailler ?
J’aime travailler avec des profils variés, aux origines et parcours multiples (la diversité et la mixité permettent bien souvent une créativité démultipliée et beaucoup de barrières brisées), unis par un même feu intérieur, et par une culture de l’excellence et du dépassement de soi. La conviction de l’utilité et du bien fondé de notre mission commune est évidemment un critère essentiel, mais le plus important à mes yeux réside dans un climat de confiance et de respect mutuel : les qualités techniques et académiques ne sont rien sans un socle solide de qualités humaines partagées.
L’erreur que vous referiez ?
Si je choisis d’en refaire une, c’est que ce n’était rétrospectivement pas une erreur.
Qu’est-ce que vous aimeriez faire différemment dans votre vie quotidienne ?
J’aspire à travailler plus collectivement : il y a de multiples avantages au fait de d’entreprendre seule, en termes de rythme, de prises de décision et d’efficacité, mais je pense qu’on est toujours plus forts en commun.
Quel autre métier auriez-vous choisi ?
La route est encore longue (je l’espère !), et je crois qu’il n’y a pas d’incompatibilité à voir se chevaucher parfois certains projets, même si le métier d’entrepreneuse me demande aujourd’hui tout mon temps et mon attention. J’aurais aimé être (quelle originalité) avocate ; photographe ; saxophoniste ; réalisatrice ; architecte ; enseignante… le métier dont je rêvais dans mon enfance était celui « d’inventatrice », précurseur déjà de la voie que j’ai aujourd’hui choisie.
L’appréciation professionnelle qui vous a marquée ?
Le jour où, en sortie d’un long rendez-vous de négociation que j’avais mené seule dans le cadre de mon précédent emploi, le Managing Partner d’un grand cabinet m’a longuement fixée en me serrant la main, avant de me dire : « Vous, je vais vous suivre, parce que vous irez très loin ». Comme s’il avait perçu quelque chose qui m’était encore inconnu, mais qui m’a emplie d’une reconnaissance et d’une sérénité qui ne m’ont depuis plus quittées.
Quels sont vos référents ?
Je pense à des figures mythiques, comme Simone Veil ou Gisèle Halimi pour relativiser, trouver une forme d’ancrage et de l’inspiration à n’en plus finir, mais aussi les personnes qui m’entourent, plus ou moins proches, et qui malgré les épreuves, ne baissent jamais les bras.
Le livre que vous auriez aimé écrire ?
« Titus n’aimait pas Bérénice » de Nathalie Azoulai. Un roman qui retrace la vie de Racine, en contre-point d’un chagrin d’amour moderne, avec une grâce grammaticale (cela peut sembler oxymorique, mais c’est vraiment l’expression qui s’impose) que j’ai rarement rencontrée ailleurs.
Le livre que vous lisez actuellement ?
Je relis « L’armée des ombres » de Joseph Kessel, un de mes auteurs préférés. Pas vraiment estival, comme ambiance, mais plus que nécessaire dans le contexte actuel : remettre l’humanité au cœur.
Votre film préféré ?
Question particulièrement complexe ; j’adore le cinéma. Je dirais « Dans ses yeux », un film argentin de Juan José Campanella. J’ai récemment beaucoup aimé « Perfect Days », de Wim Wenders. Je revois toujours avec un plaisir infini « Les Demoiselles de Rochefort » de Jacques Demy, dont je connais chaque république.
La pire injure ?
Toutes celles qui blessent.