DJ, conseils, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les attentes des DG et opérationnels
Qu’attendent les directions générales et les opérationnels des professionnels du droit ?
Quel regard les dirigeants et opérationnels portent-ils sur le droit et ses praticiens (juristes et avocats d’affaires en particulier, legaltech) ? Une étude « Le droit et ses praticiens vus par les dirigeants et les opérationnels », réalisée par le Business & Legal Forum conjointement avec Latham & Watkins LLP et l’Augmented law Institute de l’Edhec Business School, a permis de réunir quelques éléments de réponse à ce sujet dans une approche systémique et décloisonnée.
Monde du droit et monde des affaires sont intimement liés et leur interdépendance peut être facteur de progrès car les systèmes dans lesquels ils opèrent sont liés, qu’ils soient géopolitiques, économiques, juridiques, sociaux ou financiers. L’économie ne fonctionne pas sans contours juridiques, et le droit est obsolète, s’il est déconnecté des enjeux économiques. « Depuis 2008, nous collectons des données quantitatives et qualitatives sur ce sujet pour croiser les perspectives des mondes juridiques et économiques. » explique Ghislain de Lagrevol, CEO, créateur des Business & Legal Forums.
« Au travers de l’étude que nous avons menée avec le cabinet Latham & Watkins et l’Edhec Augmented Law Institute, nous avons voulu proposer une analyse de la perception du droit des affaires et des juristes d’affaires par les non-juristes et, plus particulièrement, par les dirigeants et les responsables opérationnels. Une centaine d’entre eux ont répondu à notre questionnaire. »
Ghislain de Lagrevol, CEO, créateur des Business & Legal Forums
Ainsi, 28% des répondants occupent les fonctions de présidents, directeurs généraux (ou délégués), de membres du comité de direction. 17% sont responsables de direction dans le domaine de la vente, marketing et/ou communication. Pour 14%, ils ont la responsabilité de management de projet. « Cependant, celle-ci s’est installée avec une certaine marge d’incertitude car cela pose la question de l’apport de la machine dans un process décisionnel (et de ses conséquences) et nous amène à réfléchir à l’approche collaborative homme/machine. », ajoute et observe en préambule à la discussion, Ghislain de Lagrevol.
Le juriste face à la complexité des écosystèmes
Le droit dans la vie de chaque entreprise et ses péripéties joue un rôle de premier plan. C’est notamment un outil d’action essentiel, dès lors que les dirigeants ont à affronter des situations de crise. De plus, sa place est de plus en plus grande, notamment en raison d’une juridicisation grandissante de nombreux secteurs de l’économie (médical/pharma ou banque, par exemple) ainsi que d’une part croissante prise par la réglementation (compliance). Mais le grand progrès par rapport à l’étude réalisée en 2016 est une vision nouvelle et plus positive du droit. Nouvelles règles, multiplication des normes, législation mouvante : les sociétés naviguent dans un univers de plus en plus complexe. La direction juridique maintient le cap. Mieux, elle vogue vers de nouveaux horizons. Pour Serge Papo, président, NOMINATION, le décloisonnement opéré au sein des entreprises donne la possibilité aux juristes d’influer sur la prise de décision. Ce positionnement a été renforcé par la digitalisation qui favorise le partage de l’information et permet de consacrer l’expertise aux actes complexes. Plus que jamais, le juriste a les moyens d’apporter sa pierre à l’édifice et d’anticiper les besoins. De la valeur ajoutée juridique à la création de valeur, il n’y a qu’un pas.
« Le décloisonnement opéré au sein des entreprises donne la possibilité aux juristes d’influer sur la prise de décision. Un positionnement renforcé par la digitalisation qui favorise le partage de l’information et permet de consacrer l’expertise aux actes complexes. »
Serge PAPO, président, NOMINATION
Une cohabitation business & droit équilibrée
Depuis plusieurs années, on observe un mouvement de « ré-internalisation » de la fonction juridique, ce qui semble aller dans le sens de son rôle stratégique et la nécessité de connaître parfaitement tous les maillons de l’entreprise. Le juriste est considéré comme incontournable en matière de contrats (négociation, rédaction, résiliation).
« Nous pouvons affirmer que la culture juridique au sein des entreprises a pris de l’ampleur et de la légitimité. »
Laure LAVOREL, présidente CERCLE MONTESQUIEU
Selon 17% des dirigeants interrogés, les juristes travaillent avec leurs interlocuteurs comme de véritables business partners.
Mais le budget des directions juridiques des grands groupes reste un sujet sensible. Les honoraires d’avocats et autres praticiens externes, représenterait environ 1/3 du budget annuel de la direction juridique hors opération exceptionnelle. Les opérationnels sont conscients de son rôle pivot dans l’entreprise. « C’est le directeur juridique, en interne qui, selon moi, apporte le plus de valeur et le fait de le nommer au comité de direction est un signe fort et une décision, qui, dans mon cas, a énormément fluidifié les relations. Le directeur juridique est au courant des contraintes du business, et les gens de business se familiarisent non seulement avec la personne mais aussi avec son vocabulaire et sa façon d’analyser les problématiques. Le droit a sa propre logique et il faut y entrer ! », reconnaît Anne GUICHARD, worldwide chief e-commerce officer, L’OREAL.
« C’est le directeur juridique, en interne qui, selon moi, apporte le plus de valeur et le fait de le nommer au comité de direction est un signe fort et une décision, qui, dans mon cas, a énormément fluidifié les relations. Le directeur juridique est au courant des contraintes du business, et les gens de business se familiarisent non seulement avec la personne mais aussi avec son vocabulaire et sa façon d’analyser les problématiques. Le droit a sa propre logique et il faut y entrer !«
Anne GUICHARD, worldwide chief e-commerce officer, L’OREAL
« Nous pouvons affirmer que la culture juridique au sein des entreprises a pris de l’ampleur et de la légitimité. » d’après Laure LAVOREL, présidente, CERCLE MONTESQUIEU.
Les points d’amélioration : intelligence relationnelle et communication
L’analyse donne à voir un sentiment positif à l’égard des juristes. En effet, il y a presque 5 fois plus de qualificatifs positifs que de négatifs. Néanmoins, le manque d’interaction et la relation avec les opérationnels qui n’est pas assez « fluide », est jugée insuffisante. Les axes de progression constatés concernent les interactions et relationnel entre les praticiens du droit et la direction. C’est l’intelligence relationnelle (63% des répondants la définissent comme « indispensable ») et la capacité à communiquer (53% des répondants la définissent comme « indispensable ») qui arrivent en tête des attentes des dirigeants. Le manque d’agilité supposé des juristes mérite d’être souligné, cette tendance se retrouvant assez souvent dans les commentaires des répondants.
« Des progrès sont encore à réaliser, et ils demandent des efforts par tous les acteurs concernés, qui sont d’autant plus à même de les réaliser avec succès qu’ils ont su développer au fil du temps des relations de forte confiance, en proximité. »
Christophe ROQUILLY, professeur doyen du corps professoral et de la recherche, directeur de LegalEDHEC, EDHEC BUSINESS SCHOOL
« La valeur ajoutée des futurs juristes résidera dans le fait que nous sommes nés à l’ère de la nouvelle technologie, nous savons faire preuve d’adaptation et nous avons un instinct assez développé en ce qui concerne la transition digitale. Nous saurons ajouter de la valeur à une entreprise grâce à ces facilités. », ajoute de son côté Mathilde LIBAR, étudiante Master LLM, INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS.
« Des progrès sont encore à réaliser, et ils demandent des efforts par tous les acteurs concernés, qui sont d’autant plus à même de les réaliser avec succès qu’ils ont su développer au fil du temps des relations de forte confiance, en proximité. » Christophe ROQUILLY, professeur, doyen du corps professoral et de la recherche, directeur de LegalEDHEC, EDHEC BUSINESS SCHOOL.
Quels nouveaux territoires sont à mieux investir ?
Si la direction juridique est désormais appréciée comme l’un des nerfs de la guerre de l’influence stratégique, avec une forte croissance par rapport à 2016, de la perception de sa valeur ajoutée, elle est aussi de plus en plus attendue sur les questions sociétales, éthiques et réputationnelles. Les répondants sont 65% à être convaincus que les juristes ne doivent pas se cantonner à une analyse purement juridique des questions qui leur sont posées. Ils attendent leur implication aux niveaux stratégique (89 %) et politique (83%), ainsi que sur les points concernant l’éthique (89%), les questions sociétales et réputationnelles (90%). Ainsi les dirigeants estiment que les juristes sont les plus compétents pour analyser ces éléments. Sur les questions réputationnelles, il faut parfois aller au-delà des aspects purement légaux et les dirigeants comptent sur les juristes. La France est l’une des dernières économies avancées dans laquelle les avis, conseils des juristes dans les entreprises ne sont pas toujours pris en compte, ni protégés. Il serait primordial de donner une chance à la France, d’assumer son rayonnement de première place de droit dans l’Europe de l’après Brexit et de promouvoir les juristes français sur le marché international du droit.
Il reste encore du chemin à parcourir mais nous sommes sur la bonne voie. Le passage de la théorie à la mise en pratique est un exercice particulièrement complexe.
Nous y reviendrons lors de prochaines rencontres des Business & Legal Forums.
Cette tribune est un extrait de l’une de nos tables rondes. Pour prendre connaissance de l’ensemble des travaux de nos tables rondes, participez à nos rencontres, elles sont particulièrement riches en retours d’expérience tant des entreprises que des autorités et des conseils. TOUT SAVOIR.