« Les contrats face aux enjeux climatiques, aux crises géopolitiques, au devoir de vigilance et aux aléas judiciaires : quelles adaptations prévoir ? » – Les brèves du BLF 2023

 

BLR n°37 – 01/03/2024

Photo de couverture : José-Manuel GARCIA REPRESA, avocat associé, WORDSTONE DISPUTE RESOLUTION


Table ronde du BLF 2023, avec de gauche à droite : P. Thieffry, L. Ballone-Burini, V. Gibon, N. Smadja et J-M. Garcia Represa
Le contexte économique, géopolitique et climatique n’a jamais été aussi volatile.
Les obligations environnementales et les exigences de vigilance bousculent également les chaînes de valeurs. Comment adapter ses engagements contractuels à ces nouveaux enjeux et incertitudes ? Comment les anticiper ?
Quels types de garantie mettre en place avec les sous-traitants impliqués à différents niveaux ? Quelles sont les grandes orientations retenues par les tribunaux ?
Nos intervenants nous éclairent !

Quelles sont les principales règlementations de crise et leurs impacts sur les contrats ? avec Laurence BALLONE-BURINI, directrice juridique, EIFFAGE CONSTRUCTION

En temps normal, les juristes d’entreprise ont l’habitude de prendre connaissance des changements législatifs et jurisprudentiels et de les intégrer à leurs pratiques au fil de l’eau.

A cette fin, ils anticipent au mieux ces modifications par une veille soutenue quelques semaines ou mois avant la sortie d’un texte.

Avec la crise sanitaire, les directions juridiques ont été amenées à devoir « digérer » en quasi temps réel des textes inédits à portée limitée dans le temps et de nature très différentes que les autorités émettaient en fonction des intérêts à protéger : lois sur l’état d’urgence sanitaire, ordonnances dont celle du 25 mars 2020 sur les marchés publics notamment.

D’autres sources non législatives ont également impacté significativement les contrats dont l’exécution était en cours pendant la phase Covid 19 : circulaires du gouvernement, fiches de la Direction des Affaires Juridiques de Bercy.

Les praticiens du droit en ont tiré toute la substance pour protéger les projets en cours et sécuriser les positions des entreprises. Enfin, lors des premiers temps de la situation en Ukraine, c’est vers le Conseil d’Etat que les entreprises se sont tournées avec sécurité, puisque ce dernier a rendu le 15 septembre 2020 un avis très attendu ouvrant la possibilité de recourir aux avenants de la commande publique pour modifier les marchés publics en vue de compenser les surcoûts supportés.

Jusque-là c’est notamment une circulaire de la Première ministre du 29.9.22 qui faisait foi sur ce sujet.

Quelles sont les pratiques utiles en matière de renégociation de contrats face aux enjeux climatiques, géopolitiques et judiciaires ? Avec Nicolas SMADJA, directeur des affaires juridiques, ERG France

Le contexte géopolitique, de réchauffement climatique et d’inflation, sans oublier la crise du Covid-19 et ses effets, ont conduit à une hausse du coût des matières premières et du prix de l’énergie. Dans ce contexte, voici les principaux leviers contractuels permettant d’en contenir les effets :

Les clauses de renégociation (dites de « hardship ») permettant aux parties d’anticiper un changement de circonstances imprévisibles à la signature du contrat, comme l’augmentation du prix d’une matière première, rendant son exécution difficile voire impossible, à tel point que le contrat n’est plus viable.

Les clauses d’indeation permettant d’adapter le prix du contrat en lien avec l’évolution d’indices. En cas de revente de l’énergie produite, les parties peuvent se référer aux indices liés à la production de l’industrie française pour le marché français pour l’ensemble de l’industrie (FM0ABE0000), à celui du coût horaire du travail révisé dans les industries mécaniques et électriques (ICHTrev-TS), ou encore à ceux liés au cuivre, à l’acier et au transport.

Les parties peuvent insérer une clause de force majeure ou renvoyer au code civil. Ce type de clause a ses limites : en général, une hausse de prix n’empêche pas d’exécuter le contrat et surtout, la clause de force majeure a pour effet de résilier le contrat, excluant donc toute adaptation.

Par ailleurs, l’Etat a mis en place un fonds de garantie pour les contrats d’achat long terme d’électricité renouvelable, géré par BPI France et doté de 68 millions d’euros. Ce fonds permet de sécuriser le financement de nouveaux actifs renouvelables et d’apporter une caution en cas de défaut de paiement de l’industriel sur la durée du contrat.

Comment faire preuve d’anticipation des différends en matière de contrats face aux enjeux/aléas climatiques, géopolitiques et judiciaires ? Avec José-Manuel GARCIA REPRESA, avocat associé, WORDSTONE DISPUTE RESOLUTION

Anticiper un éventuel différend exige d’anticiper qui sera amené à trancher ce différend le moment venu, et sous quelles règles de droit (ou même d’équité).

Au moment de la rédaction de leur contrat, les Parties disposent de nombreux outils. Le premier d’entre eux est, sans doute, la clause de résolution des différends.

Cette clause, trop souvent reléguée par les négociateurs au rang de clause de style peu ou pas négociée, peut s’avérer fondamentale pour la gestion des risques lors d’opérations internationales.

Elle peut prévoir des méthodes de résolution amiable, alternatives ou « en cascade», telles que la négociation, la médiation, ou la soumission du différend à des arbitres siégeant dans un pays neutre (y compris des arbitres spécialisés, par exemple, en matière environnementale).

Les parties peuvent également inclure des clauses de stabilisation pour réduire leur exposition à des changements législatifs ou fiscaux, ou encore rédiger des clauses spécifiques à leur opération (par exemple, pour prévoir qui devra supporter le coût du risque règlementaire ou de l’aléa judicaire, surtout dans des secteurs économiques très règlementés).

Outre la technique contractuelle, les entreprises ayant des investissements à l’étranger, surtout dans des pays à risque, ont tout intérêt à s’assurer que leurs opérations sont couvertes par les divers traités (bilatéraux et multilatéraux) de protection des investissements. Des milliers de traités sont en vigueur actuellement et offrent de très larges protections, y compris l’accès à des tribunaux arbitraux internationaux.

Encore faut-il que l’investissement ait été correctement structuré ou restructuré à tout moment avant la naissance d’un différend avec l’état hôte de l’investissement.


Cette tribune est un extrait de l’une de nos tables rondes. Pour prendre connaissance de l’ensemble des travaux de nos tables rondes, participez à nos rencontres, elles sont particulièrement riches en retours d’expérience tant des entreprises que des autorités et des conseils. TOUT SAVOIR.

Rendez-vous le 4 avril 2024 pour le Global Anticorruption & Compliance Summit (GACS).
Prendre contact avec l’une des personnalités :
Rien de plus facile cliquez ici ou devenez AMI, Active Member to Inspire

Retrouvez toutes les rencontres des Business & Legal Forums sur www.blforums.com

Start typing and press Enter to search