Pourquoi pratiquer le legal design est aujourd’hui incontournable ?
Toutes les trois semaines, une personnalité des sciences humaines est choisie pour donner sa vision de « la part de l’humain » dans la réussite de projets professionnels en lien avec l’actualité économique et juridique.
Cette semaine, Virginie Jubault nous fait part d’une réflexion sur le legal design, tirée d’une interview de Sophie Lapisardi, avocat au barreau de Paris qui pratique le legal design au sein de son cabinet (Lapisardi avocats) et qui forme les professionnels du droit à cette méthode d’innovation (Lexclair).
Qu’est-ce que le legal design ?
Le legal design permet aux professionnels du droit de réinventer leur manière de communiquer et le service apporté à leurs clients internes/externes. Cette démarche est aujourd’hui présentée comme une soft skill incontournable pour les professionnels du droit.
En effet, le legal design est un mode de pensée qui place l’utilisateur (client externe ou interne) au cœur de la démarche afin de trouver des solutions à des situations insatisfaisantes du droit. Et elles ne manquent pas ! Le droit est fondamental dans notre société mais toujours (encore plus ?) complexe et abscons. Or, les praticiens du droit ont été formés à communiquer entre eux, entre juristes. Le client est le grand absent des cursus de droit.
Mais le bât blesse également entre professionnels du droit. Les juges, par exemple, demandent plus de concision dans les écritures contentieuses, si bien que concevoir des écrits éloquents et persuasifs apporte aujourd’hui une vraie valeur ajoutée. D’une manière générale, les professionnels du droit sont confrontés à l’ «infobésité » avec son corollaire : la difficulté de détecter l’information essentielle.
Le legal design est donc une démarche qui permet de communiquer l’information juridique de manière claire, compréhensible, engageante et persuasive.
Tous les domaines du droit sont concernés et tous les actes : mail, consultation, note d’information, article, écritures contentieuses, présentation, formation, vidéos…. Naturellement, ces techniques permettent de communiquer, sans perdre en rigueur et en sécurité juridique. C’est d’ailleurs tout le contraire. Car pour ne prendre que cet exemple, un contrat clair est un contrat mieux conçu et plus sûr pour les parties.
Cette démarche d’innovation permet également de créer des outils et des services juridiques innovants. Et ils ne sont pas toujours numériques. Il peut s’agir de fiches pratiques claires que les opérationnels auront envie de lire, de formations dont ils mémoriseront facilement les messages clés, des présentations convaincantes pour la direction. De même, les chatbots sont aujourd’hui un moyen efficace de décharger les directions juridiques, à condition d’avoir bien compris les besoins des utilisateurs, d’avoir posé les bonnes questions et d’y avoir répondu de manière claire et efficace.
L’empathie serait donc la clé de l’innovation juridique ?
L’empathie est la pierre angulaire de la méthode. C’est en cela que le legal design constitue un réel changement d’état d’esprit. Au lieu de partir du droit, le professionnel part des besoins de ses utilisateurs. La différence est de taille !
Se questionner sur les attentes, y compris psychologiques et les freins de son utilisateur est au cœur de toute la démarche. Les résultats de ce questionnement vont avoir des incidences sur la structure du document et sur sa rédaction.
Entrer en empathie avec son client ouvre également de larges perspectives de créer de nouvelles offres ou de nouveaux outils. Il peut s’agir par exemple de nouveaux process internes qui vont fluidifier la saisine de la direction juridique, de nouveaux modules de formations en vidéos ou en podcasts pensés pour s’adapter à la pratique des opérationnels.
Quelles sont les techniques pour rendre le droit clair et accessible ?
Le legal design repose sur 3 techniques structurantes :
La visualisation de l’information juridique car les consommateurs du droit sont habitués à consommer de l’information facile à trouver, à lire, à comprendre et à mémoriser. Le visuel ajouté au texte est en cela, un formidable accélérateur.
Le design thinking : Cette technique d’innovation éprouvée et largement utilisée dans tous les secteurs d’activités marque profondément la méthode du legal design, en mettant l’utilisateur au centre de la démarche grâce à l’empathie et à la phase de test.
Et le langage juridique clair car des règles simples permettent de gagner en clarté et en force de persuasion.
Le legal design emprunte aussi aux sciences cognitives, aux techniques de marketing et de journalisme.
Finalement, le legal design permet de développer sa créativité ?
Les professionnels du droit se voient rarement comme des créatifs. Ou plutôt, ils voient comment ils créent pour leurs clients mais appliquent rarement ces techniques à leurs propres besoins, outils et services.
Faire un pas de côté, regarder son activité sous un nouvel angle, questionner sa pratique apportent de nombreux enseignements.
Donc oui, toutes les techniques utilisées dans le legal design permettent de développer sa créativité et d’une manière générale toutes les soft skills incontournables. Avec à la clé un changement majeur : le professionnel du droit passe ainsi d’une logique d’expert à une vraie logique de service.
Courte biographie de Sophie Lapisardi :
- Avocate et fondatrice d’un cabinet qui pratique le legal design au quotidien (Lapisardi avocats)
- Elle forme les professionnels du droit à cette méthode d’innovation (Lexclair)