Osez donner des signes de reconnaissance !
Photo de couverture, Virginie JUBAULT, associée, AVOCOM
Toutes les trois semaines, une personnalité des sciences humaines est choisie pour donner sa vision de « la part de l’humain » dans la réussite de projets professionnels en lien avec l’actualité économique et juridique.
Cette semaine, Virginie Jubault nous fait part des signes sociaux pour un management moins contrôlant et plus productif
La culture française ne pousse pas aux compliments. Le constat commence à l’école. Les faiblesses sont pointées du doigt, plus rarement les points forts. L’esprit critique est de mise. Rabaisser plutôt que valoriser est tellement plus ancré dans notre cadre de référence ! La presse se délecte d’ailleurs d’articles sur la bienveillance au travail, ce qui hérisse un grand nombre de personnes…
Tout cela sonne un peu creux. C’est plein de bons sentiments mal digérés, souvent bien loin de la réalité tellement insaisissable.
Je vous propose donc une « recette » : les signes de reconnaissance. Elle vous permettra d’appliquer, en partie, cette « bienveillance » qui ne semble plus dire grand-chose, à force d’avoir été servie à mauvais escient !

Les signes de reconnaissance sont des moyens par lesquels tout à chacun reconnaît l’existence de l’autre par le biais d’un geste, d’un acte, d’une parole, etc. Notre façon de les donner, de les recevoir comme de les demander et de les refuser nous permet de mieux gérer notre « économie » de reconnaissance, vitale pour notre équilibre physique et moral, voire pour la croissance de tout être vivant.
Ils sont de deux ordres : physique et relationnel. Nous aborderons dans le cadre de cet article la force des signes sociaux dans le cadre du management. L’absence de stimulations sont cause de souffrance, de désordres émotionnels plus ou moins graves et peuvent causer des maladies dans les cas les plus extrêmes.
Ces stimulations sociales qui se traduisent par des paroles mais aussi des pouvoirs, des honneurs, de l’argent n’ont pas suffisamment de place notamment dans le monde du travail.
Il existe quatre catégories de stimulations : positives, négatives, conditionnelles et inconditionnelles.
Virginie JUBAULT
Stimulations positives et négatives :
Les stimulations peuvent être positives : elles sont source de plaisir, d’épanouissement et de confiance en soi. Elles favorisent ainsi la réussite. Mais elles peuvent aussi être négatives, source de déplaisir, de souffrance et de méfiance. Elles génèrent plus d’échecs dans la durée.
Stimulations conditionnelles et inconditionnelles :
Les stimulations conditionnelles sont données à la personne pour ce qu’elle fait :
Vous avez bien rédigé cette clause dans ce contrat !
Vous n’avez pas assez approfondi votre recherche.
Elles sont indispensables pour faire évoluer les comportements de ses collaborateurs donc pour les former ou assurer la cohérence des efforts de chacun dans l’équipe. Mais puisqu’elles sont conditionnelles, elles tendent à rendre la personne qui les reçoit dépendante de celle qui les donne.
Les stimulations inconditionnelles sont données à la personne pour ce qu’elle est (données sans condition) :
Vous rédigez très bien les contrats.
Vous êtes trop rigide.
Elles sont donc données en quelque sorte une fois pour toutes à la personne et constitue la source d’énergie à partir de laquelle celle-ci peut élaborer un comportement autonome.
Dans le cadre de stimulations inconditionnelles positives, le collaborateur agira de façon constructive pour lui-même et pour les autres.
Les stimulations inconditionnelles négatives tendront à pousser la personne à agir de façon destructive pour les autres et pour elle-même.
Avec les stimulations inconditionnelles positives, la personne prend des initiatives et se sert pleinement de ses capacités. Au fil du temps, ce type de stimulations lui permet de devenir moins dépendante et de s’accomplir pleinement. Cette personne sera difficile à manipuler, moins contrôlable et coopérera si ses buts correspondent à ceux indiqués par le manager.
En revanche, si la personne manque de stimulations inconditionnelles, elle sera incapable d’agir de façon autonome et son comportement dépendra directement des stimulations qu’elle recevra au jour le jour. Le caractère conditionnel peut s’avérer menaçant voire inhibiteur sans la présence forte de stimulations inconditionnelles en toile de fond.
Les stimulations négatives conditionnelles dissuadent d’aller dans le sens opposé à la direction donnée. Elles sont indispensables pour orienter une activité un travail, une relation mais ne sont pas directement productives. Elles complètent de façon nécessaire les indications données par les stimulations positives conditionnelles.
C’est ce que souligne Vincent Lenhardt dans son livre sur l’analyse transactionnelle, dont l’explication de ce concept est directement tirée.
Le monde de l’entreprise génère plus de stimulations conditionnelles négatives que positives. Ainsi, le management développe la fonction de contrôle et la notion de normes au détriment de la production et de la notion de création.
Vincent LENHARDT
Insistons sur le caractère néfaste des stimulations inconditionnelles négatives prodiguées sous forme de jugements et condamnations. Elles contribuent à figer les situations difficiles. Apprendre à dire « non », dans le respect de soi-même et de l’autre est un moyen plus constructif.
La problématique des stimulations est plus complexe que de simples conseils managériaux sur la politique de la carotte et du bâton. Elle touche un vrai sujet d’éducation et de règles assimilées depuis l’enfance.
Virginie JUBAULT
Est-ce que je suis capable de donner des signes de reconnaissance aux autres ?
De me donner des signes de reconnaissance (sinon je suis tributaire des signes de reconnaissance des autres) ? Est-ce que je m’autorise à accepter / recevoir des signes de reconnaissance positifs ? Est-ce que je peux supporter de recevoir un signe de reconnaissance négatif ? Est-ce que j’ose demander un signe de reconnaissance ? Est-ce que je m’autorise à refuser un signe de reconnaissance ?
Certains ont du mal à donner des stimulations, d’autres à les recevoir (gêne de recevoir un compliment).
Certaines personnes ont des difficultés à demander des stimulations dont elles auraient besoin ou à se les accorder pour elles-mêmes, d’autres sont dans le refus de l’accueil de ces fameuses stimulations.
Enfin, certaines seront mal interprétées par le receveur (même les positives).
Tout le travail du développement des hommes et du potentiel humain vise à restaurer ou renforcer cette capacité d’entrer en relation.

S’exercer à donner et recevoir des signes de reconnaissance positifs et négatifs contribue à vivre des relations à autrui plus riches, plus saines et satisfaisantes.
Les managers apprennent à écouter différemment, à partager leurs émotions, à exercer leur empathie, à prendre une posture d’éducateur, de « passeur de relais » qui aident le collaborateur à se construire.
Très peu de responsables ont identifié clairement leurs besoins de signes de reconnaissance. Il est possible avec quelques explications et des exercices appropriés de faire faire un saut qualitatif majeur à un groupe s’il intègre cette notion dans sa culture.
Virginie JUBAULT
C’est une notion indispensable dans la construction de l’identité managériale.