M&A et Compliance : sécuriser les acquisitions à l’ère des risques réglementaires

BLR n° 53 – 9/10/2025

temps de lecture 3 minutes

Les opérations de fusions-acquisitions évoluent dans un environnement réglementaire de plus en plus complexe. Entre risques de corruption, sanctions internationales et enjeux concurrentiels, les acquéreurs doivent développer une approche structurée pour éviter les écueils post-acquisition. 

Une cartographie des risques en constante évolution

Pour Caroline Leblanc, associée Forensic & Compliance chez Forvis Mazars, les programmes de compliance constituent un baromètre essentiel de la santé éthique des entreprises cibles. Cette experte prône l’utilisation de ces dispositifs comme un outil de détection précoce : « l’évaluation de la qualité et de la maturité du programme de compliance devient un indicateur indirect du niveau de risque latent ». Cette approche s’avère cruciale face aux risques invisibles au moment de l’acquisition, notamment les « actes isolés dans des filiales locales » échappant même aux dirigeants de la cible. 

Les praticiens identifient trois grandes catégories de risques : la corruption (particulièrement lors d’interactions avec des agents publics), les sanctions internationales (activités dans des pays sous embargo, partenaires aux bénéficiaires effectifs non identifiables), et le blanchiment d’argent, « souvent sous-estimé hors des secteurs bancaires », selon Hugo Piguet, avocat spécialisé en contentieux au sein du cabinet Willkie Farr & Gallagher. 

Une due diligence à trois niveaux

Face à cette complexité, Caroline Leblanc préconise une approche structurée en trois étapes : « due diligence d’intégrité » pour évaluer la réputation, « évaluation des dispositifs de compliance » selon le profil de risque, et « tests de transactions » via une analyse forensique ciblée des opérations passées. 

Cette méthodologie s’adapte au budget disponible et au niveau d’accès à la cible, tout en intégrant une dimension culturelle essentielle. La contextualisation locale peut révéler des « divergences d’interprétation » cruciales dans l’analyse des informations recueillies. 

Les enjeux concurrentiels au cœur des préoccupations

Thibault Vergé, vice-président de l’Autorité de la concurrence, met l’accent, quant à lui, sur les risques spécifiques au droit de la concurrence : « Les acquisitions peuvent révéler des pratiques anticoncurrentielles post-acquisition, des omissions de notification, des réalisations anticipées d’opération, ou encore des non-respects des engagements imposés par l’autorité ». 

Il rappelle notamment l’existence de la procédure de clémence, accessible même post-acquisition, permettant « d’obtenir une exonération totale ou partielle des sanctions, à condition d’être le premier à signaler une entente ». Toutefois, la crainte d’actions en dommages-intérêts limite parfois son attractivité. 

Impact concret sur la valorisation

Aurélien Foufa, group compliance officer de la société GTT, a illustré ces enjeux par des cas pratiques : refus d’un investisseur face à l’opacité sur les bénéficiaires effectifs, ou intégration d’une activité risquée nécessitant des clauses de non-concurrence spécifiques. Selon lui, « la due diligence conditionne la stratégie de négociation » et influence non seulement le prix, mais aussi les conditions d’intégration post-acquisition. 

« La conformité devient un outil de contrôle continu post-acquisition qui permet de mobiliser plusieurs leviers stratégiques en cas de découverte de risques. Nous disposons aujourd’hui d’un arsenal complet : enquête interne pour établir les faits, éventuelles sanctions disciplinaires pour responsabiliser les équipes, déclaration aux autorités lorsque la situation pourrait l’exiger, ou encore activation des garanties d’actif-passif pour se prémunir financièrement », ajoute Hugo Piguet. 

Vers une approche préventive

Les opérations de fusion-acquisition prennent un nouveau tournant. Les investisseurs ne se contentent plus de vérifications financières superficielles : ils scrutent désormais à la loupe les pratiques éthiques de leurs futures acquisitions. Une stratégie payante, car une cible aux comportements douteux peut rapidement perdre ses clients stratégiques si elle ne se met pas aux normes. Dans ce contexte, la due diligence compliance n’est plus une option mais un prérequis pour sécuriser ses opérations de croissance externe. 


NB : Cet article, rédigé par Florence Henriet , n’aurait pu voir le jour sans la contribution précieuse et de Candice Zimmermann.

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