Vincent Filhol

BLR n°26 – 16/02/2023

Portrait original à lire entre les lignes de Vincent Filhol, magistrat, chargé de mission auprès du directeur des affaires juridiques du MEAE – anticorruption et protection des données et membre du Conseil scientifique des Business & Legal Forums.


Plutôt pleurotes ou shiitakés ?

Plutôt pleurotes, malgré cette dénomination qui peut sembler un petit peu triste, car ses accords mets / vins peuvent être tout à fait intéressants. Je choisis donc pleurotes, sans hésiter, pour valoriser cet accompagnement qui est merveilleux, comme beaucoup, en matière de cuisine française.

Si j’étais un #

#intégrité

Parce que c’est un terme qui regroupe beaucoup de thématiques que je trouve passionnantes, parce qu’il est dans l’air du temps et qu’il a un lien avec la conformité. D’ailleurs, cela aurait pu aussi être #conformité.

Mais l’intégrité a quelque chose d’encore plus large, c’est une exigence qui a toujours existé, que ce soit pour les agents publics ou privés, et qui est très transversale. Cette valeur, presque morale, irrigue tout le droit, notamment le droit des affaires et la vie économique. Elle bouleverse, je crois, nos répartitions traditionnelles des matières juridiques.

Mon indispensable

Garder des liens réguliers avec des professionnels de mon monde d’origine et aussi d’autres univers.

C’est cette capacité, cette chance que l’on a de pouvoir créer des liens avec d’autres qui est indispensable pour moi. Cela me fait avancer et me permet de découvrir de nouveaux horizons. On réfléchit mieux à plusieurs, j’en suis convaincu !

La rencontre qui a compté

C’est une rencontre en 2005-2006 avec le procureur de la République de Paris à cette période, Jean-Claude Marin, qui, par la suite, est devenu procureur général près la Cour de cassation. Il était mon professeur en Master 2, droit des affaires 214, à Dauphine, en droit pénal des affaires. Il était brillant parce qu’il avait un regard de professionnel, de praticien et de procureur. Mais il arrivait aussi à s’extraire de la matière brute pour en donner une appréciation plus large, plus transversale et prospective. C’est dans le cadre de son cours que je l’ai rencontré dans son cabinet au Palais de Justice et qu’il m’a fortement incité à passer le concours de la magistrature.

Ma préoccupation n°1

C’est de démultiplier mon agenda en plusieurs agendas pour pouvoir mener de front un maximum de choses parce que je trouve que la vie est trop courte et que j’ai un appétit peut-être trop grand. On me reproche, notamment dans un cadre plus personnel, d’être un peu hyperactif. Je veux pouvoir multiplier les rencontres professionnelles et personnelles et remplir chaque minute d’échanges passionnants.

Mon meilleur conseiller

J’ai deux conseillers principaux, c’est d’une part l’Autre, c’est-à-dire la confrontation avec quelqu’un défendant un autre point de vue. Ce conseiller est tout à fait indispensable. Je m’en tiens rarement à mon propre jugement.

L’autre conseiller, c’est moi-même, quand j’arrive à m’arrêter un peu. Rien ne vaut un temps de réflexion, relire quelque chose la tête reposée, en tout cas, moins remplie de plein d’urgences. Il faut savoir se poser, y compris dans un rythme qui reste actif, mettre un temps de suspension pour relire un texte au calme.

Une best practice

C’est de toujours recontextualiser un sujet par rapport à une évolution plus générale, c’est-à-dire, essayer de regarder ce qu’il sous-tend, son histoire, son avenir…

Ce n’est pas forcément le premier réflexe des juristes qui peuvent parfois rester concentrés uniquement sur un aspect très juridique.

La victoire dont je suis fière

C’est d’avoir intégré la magistrature alors que je n’avais pas forcément un profil qui me portait vers cela puisque j’ai fait un Master en droit public, puis un autre en droit des affaires, et que j’avais eu l’examen du CRFPA. A l’époque, j’ai quand même réussi à suivre mon intuition et j’ai tenté l’Ecole nationale de la magistrature (ENM).

Et ma seconde victoire, c’est aussi d’avoir élargi mes horizons, après plus de dix années de magistrature, et de partir en détachement au Quai d’Orsay. Le parquet national financier (PNF) était peut-être l’une des plus belles expériences dans la magistrature mais, voilà, j’ai su accepter qu’il y avait d’autres choses possibles après. Le PNF, comme d’autres juridictions, on y fait un passage, mais pas une carrière. On apporte ce qu’on peut apporter, on prend ce qu’on peut recevoir et on continue le voyage.  

Next step

Envisager une suite professionnelle toujours en lien avec mon appétence pour le droit pénal des affaires et en cohérence avec l’aspect international que j’ai beaucoup développé au ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Quelque chose qui soit au cœur de ces évolutions liées à l’intégrité, la RSE et la compliance, dans ce décloisonnement du droit pénal des affaires et du droit tout court, d’ailleurs. C’est une période passionnante, le fait de ne pas raisonner par tiroirs comme on nous l’a appris à la fac, et avec des matières cloisonnées. Ma Next Step, c’est donc de poursuivre mon exercice professionnel dans un environnement juridique qui participe de près à cette transformation actuelle.

La question que j’aurais aimé qu’on me pose

Quels sont les autres activités que vous exercez au niveau professionnel, notamment au Quai d’Orsay, et au niveau personnel en tant que hobbies ?

Sur le plan professionnel, ce que j’apprécie beaucoup, c’est de mener en plus de mon activité principale, des actions de formation. Je suis autant en lien avec des étudiants dans le cadre de différents Masters, qu’avec des professionnels français ou étrangers. Ce qui me passionne, c’est la transmission mais dans le sens du partage d’expérience, plus qu’une transmission verticale. L’intérêt est de partager sur une même matière, des regards différents selon les vécus de chacun et selon, bien sûr, sa formation et sa pratique professionnelle. A mon sens, il n’y a pas plus riche qu’un regard d’une autre culture sur une matière commune. C’est un enrichissement sans fin.

Pour ce qui est de mes activités plus personnelles, je suis président de l’association « Les Mains de la Paix » qui promeut, par la photographie, des personnalités françaises et internationales qui œuvrent pour la paix. Cette idée de paix s’incarne par des actions d’hommes et de femmes, ce n’est pas qu’un idéal.

C’est l’une de mes cousines, photographe professionnelle, qui est à l’origine de cette association, et je suis heureux d’être impliqué dans ce projet. Les photographies ont été exposées sur les grilles de l’Unesco à Paris et également dans des endroits très différents comme d’autres organisations internationales, un festival de musique, des sites historiques et religieux, un centre de soins palliatifs, des universités…

J’aime beaucoup la photographie. Cela fait partie de mes hobbies, surtout quand elle est au service d’une œuvre comme celle-ci. On pense que ce n’est pas forcément dans l’ADN d’un juriste d’avoir une sensibilité artistique. Pourtant, tous les juristes que je connais s’intéressent beaucoup à l’art.

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