Un produit ou service peut être « écoconçu » mais pas « écologique » ou « écoresponsable »

BLR n°34 – 16/11/2023

Photo de couverture : Paul BOUTRON, counsel, Gildas ROBERT, avocat associé, ADVANT ALTANA


Le Conseil national de la consommation (CNC) vient de mettre à jour son guide pratique sur les allégations environnementales, édité pour la première fois en 2010 à la suite du Grenelle de l’environnement.

Le guide se propose de fournir des conseils pratiques aux professionnels pour déterminer le cadre d’utilisation des allégations environnementales.

Rappelons que les articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation issus de la directive 2005/29/CE  du 11 mai 2005 ont introduit la prohibition des pratiques commerciales déloyales. Si ces articles ne contenaient pas à l’origine de référence explicite aux allégations environnementales, la définition générale des pratiques commerciales déloyales permettait de les englober (Cass, crim. 6 octobre 2009, n° 08-87.757).

La loi climat et résilience du 24 août 2021 a modifié l’article L.121-2 du Code de la consommation en y insérant une référence spécifique aux allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur sur l’impact environnemental du produit ou sur la portée des engagements de l’annonceur en matière environnementale.

D’autres textes plus spécifiques ou sectoriels sont également venus réglementer les allégations environnementales, tels que la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire du 10 février 2020 qui a interdit l’usage des mentions telles que « respectueux de l’environnement » ou toutes expressions équivalentes, ou encore l’article L. 229-68 du Code de l’environnement prescrivant un cadre d’utilisation de l’expression « neutre en carbone ».

Plusieurs initiatives européennes visant à renforcer ce cadre règlementaire sont en cours, dont la proposition de directive modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE « pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et à de meilleures informations », ayant fait l’objet d’un vote favorable du parlement européen le 11 mai 2023.

Aux termes de ces diverses réglementations, les allégations environnementales trompeuses peuvent être sanctionnées à la fois sous l’angle du droit pénal et de la responsabilité civile.

Sur le plan pénal, la loi Climat et Résilience a renforcé les sanctions prévues à l’article L. 132-2 du Code de la consommation portant sur les sanctions pécuniaires. Outre la peine d’emprisonnement de deux ans et l’amende de 300 000 euros, les pratiques commerciales trompeuses reposant sur des allégations environnementales peuvent être punies par une amende égale à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel, calculée sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou jusqu’à 50% – voire 80% dans certains cas – des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité constitutive de l’allégation environnementale trompeuse.

Sur le plan civil, outre les actions individuelles ou collectives de consommateurs, les pratiques commerciales trompeuses peuvent être sanctionnées entre acteurs d’un même marché sous l’angle de la concurrence déloyale (CA Paris, 21 mai 2014, n° 12/01417).

Une entreprise qui estimerait avoir été lésée par l’usage d’une allégation environnementale trompeuse par son concurrent pourra en effet demander la réparation de son préjudice devant les juridictions commerciales. Les dernières jurisprudences de la Cour de cassation ayant facilité la démonstration du préjudice en matière de concurrence déloyale (Cass, Com. 12 février 2020, n° 17-31614), devraient encore favoriser ce type d’action.

Dans ce contexte d’inflation législative et de sanctions renforcées, il était plus qu’utile d’actualiser le guide pratique des allégations environnementales.

Le guide apporte tout d’abord une précision bienvenue en indiquant que doivent être considérés comme équivalents à « respectueux de l’environnement », et donc à proscrire en application de l’article L. 541-9-1 du Code de l’environnement, les allégations telles que « écoresponsable », « respectueux de la nature », « respectueux de la planète », « bon pour le climat », « écologique », « écolo », « vert »

Pour toute une série d’autres allégations, le guide précise les conditions dans lesquels elles peuvent être utilisés.

Il existe donc en quelque sorte une liste noire et une liste grise d’allégations environnementales, certaines étant interdites, d’autres autorisées sous condition. Figurent sur la liste grise des termes tels que « durable », « écoconçu », « économe », « renouvelable », « empreinte écologique réduite », « low tech », « naturel », « recyclable », « réutilisable »

Pour ces allégations, le CNC encourage les professionnels à accompagner l’allégation d’éléments d’information précis, mesurables et vérifiables permettant au consommateur d’avoir une information claire sur la portée de l’allégation. Plus largement, le guide invite les professionnels à s’interroger en amont sur la portée de leurs allégations, afin d’être en mesure de les justifier par des éléments précis et vérifiables le moment venu.

Nul doute que ces nouvelles recommandations engendreront une certaine casuistique qui ne sera pas nécessairement aisée à trancher en cas de litige, en particulier dans un contexte d’inflation de normes et recommandations en la matière. 

Ce contexte doit conduire nos entreprises à s’efforcer de conserver la preuve matérielle de la crédibilité non seulement de leurs allégations environnementales, mais également de toute allégation d’ordre éthique, en vue de protéger leur réputation de plus en plus attaquée au quotidien sur ces sujets.


A propos des auteurs :

© Thomas Padilla

Gildas Robert est avocat associé au sein du cabinet ADVANT ALTANA. Il intervient majoritairement en contentieux dans des dossiers de droit pénal du travail et de droit pénal financier. Gildas accompagne une clientèle française et étrangère essentiellement composée d’industriels pour les assister à tous les stades de la procédure ainsi que dans le cadre de leur gestion de crise et de communication et il dispose en outre d’expertises spécifiques en droit pénal de l’environnement et en matière de problématiques pénales liées aux droits humains pour les entreprises

© Thomas Padilla

Paul Boutron est counsel au sein du cabinet ADVANT ALTANA. Paul est diplômé du programme Grande Ecole de l’ESCP Business School et titulaire d’un Master 2 en droit des affaires et fiscalité (Université Paris I). Après une première collaboration au sein du cabinet Hogan Lovells, il a rejoint ADVANT Altana en 2016.

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