ONG-Entreprises : « un dialogue vert » pour une transition écologique plus efficiente pour la planète et l’économie ?
Photo de couverture : Jean-Marie Gauvain, directeur des risques et de la conformité, GROUPE CASINO.
Comment ONG et entreprises peuvent-elles mieux travailler ensemble pour le climat ? Des projets et lois (Sapin II, RSE, loi pacte, DPEF, taxonomie européenne…) ont amené les entreprises à se structurer et à prendre en compte dans leurs modes de production des enjeux sociétaux et environnementaux. Cependant, nombreuses sont les compagnies qui se sont attirées les foudres (médiatiques et judiciaires) d’ONG estimant que certaines d’entre elles avaient des comportements condamnables.
Passer des relations judiciaires, de la guerre des médias et des réseaux sociaux à des relations plus constructives : un défi pour la planète ? Pourquoi ne pas les envisager différemment ? Comment définir le cadre d’un « dialogue vert » ?
Yvon MARTINET, avocat associé, DS AVOCATS ; Jean-Marie GAUVAIN, directeur des risques et de la conformité, Groupe CASINO ; Alexandre Brailowsky, ex-directeur de la responsabilité sociétale, ENGIE ; William Bourdon, avocat associé fondateur, BOURDON & FORESTIER et Laurent Morel, co-fondateur, Time for the planet, sont régulièrement confrontés à ces questions. Un travail plus collaboratif pourrait être prometteur.
Un objectif commun
Un intervenant rappelle : « nous sommes tous confrontés à la même problématique : faire en sorte que la planète reste vivable pour tous. Travailler ensemble permettrait d’atteindre un objectif commun » . Un autre ajoute : « L’important serait de construire une logique d’intérêts communs entre les deux parties prenantes par le biais de l’intelligence collective et dans le respect de leurs mandats respectifs ». Pour lui, les ONG jouent un rôle d’alerte : elles doivent faire comprendre à l’entreprise que pour une transition plus juste, elles doivent prendre en compte les dimensions sociales, économiques, écologiques et sociétales de leur mode de production.
En reprenant l’idée de l’intelligence collective, un intervenant a insisté sur sa dimension inclusive :
Tout le monde peut être acteur de l’intelligence collective : le citoyen, l’entreprise, l’ONG… Même si leur objectif personnel est différent. Quelle que soit la raison, sans jugement, cela relève d’un engagement.
Une coopération est donc attendue. Cependant, ONG et entreprises ont des aprioris négatifs les unes vis-à-vis des autres qui ont tendance à brouiller ces objectifs.
Changer de regards mutuels pour mieux coopérer
Yvon Martinet, associé, DS avocats, s’interroge sur le cadre à mettre en place pour favoriser un meilleur dialogue entre les ONG et les entreprises.
Le droit pourrait-il inciter les entreprises et les ONG à un dialogue plus constructif ? La surrèglementation n’aurait-elle pas des effets pervers ?
Yvon Martinet, associé, DS AVOCATS
Jean-Marie Gauvain, directeur des risques et de la conformité du Groupe CASINO, estime que le droit peut effectivement favoriser ce dialogue. Cependant, il importe d’observer qu’il s’agit d’acteurs – ONG et entreprises – qui ont les uns pour les autres une méfiance réciproque et des relations généralement marquées par la confrontation et l’ignorance. Les entreprises reprochent aux ONG de manquer de réalisme, de ne pas comprendre les impératifs et les contraintes auxquels elles doivent faire face. Les ONG, elles, perçoivent les entreprises comme uniquement centrées sur la recherche de profit, au détriment total de la nature et de l’homme.
Comment, dans ces conditions, collaborer ? Avoir un dialogue constructif ?
Prenons l’exemple de la récente loi sur le devoir de vigilance instaurée en 2017, les acteurs devraient pouvoir se rapprocher et collaborer sur la mise en œuvre de ce texte.. Mais force est de constater que les ONG en ont, pour la plupart d’entre elles, une approche surréaliste et attendent des entreprises une obligation de résultats, quand la loi pose le principe d’une obligation de moyens.
“Pour travailler efficacement, les ONG et les entreprises doivent d’abord changer leur relation : sortir de la méfiance, faire évoluer les opinions les unes sur les autres, apprendre à se comprendre et aller au-delà des préjugés, en résumé, pacifier leurs relations.”
Jean-Marie GAUVAIN, directeur des risques et de la conformité, GROUPE CASINO
Des solutions pour mieux collaborer
Comment mieux travailler avec les ONG ? Jean-Marie Gauvain rappelle que toutes les ONG ne fonctionnent pas de la même manière et sont plus ou moins structurées – les ONG anglo-saxonnes le sont beaucoup mieux. Yvon Martinet, associé, DS Avocats, propose de changer la façon de régler les contentieux. Il évoque une méthode fondée sur une base plus volontaire avec de nouveaux outils tels que la médiation ou encore le droit collaboratif qui serait une alternative au contentieux. Il a été suggéré de repenser la structuration des ONG, c’est-à-dire de construire des ONG avec une gouvernance plus proche de celle des entreprises, à l’instar de Time For the Planet, à but non lucratif mais dont les actions seraient mesurées. Il a aussi été donné l’exemple de Banlieues santé, une démarche d’efficacité entre ONG et entreprises.
Comment faire en sorte que les ONG et les entreprises apprennent à mieux se connaître ? En effet, les deux acteurs ne semblent pas totalement avoir conscience de leurs contraintes et objectifs respectifs. Une solution envisagée est la formation : sensibiliser les collaborateurs des entreprises et des ONG à leurs enjeux et modes de fonctionnement respectifs pour mieux se connaître, se comprendre et travailler ensemble avec un agenda acceptable pour chacun. Les avancées technologiques nous conduisent à une société dont la sophistication impose de travailler de concert et d’abandonner nos vieilles habitudes et postures. Les dirigeants et collaborateurs sont eux aussi attendus pour améliorer la communication entre les parties prenantes entre elles.
Mélanie BRIN, chargée de projet, BLFs
Cette tribune est un extrait de l’une de nos tables rondes. Pour prendre connaissance de l’ensemble des travaux de nos tables rondes, participez à nos rencontres, elles sont particulièrement riches en retours d’expérience tant des entreprises que des autorités et des conseils. TOUT SAVOIR.