Marché du droit : France – UK, les français peuvent-ils rattraper leur retard ?

Photo de couverture : Patrick Bignon et Richard King associés, Bignon – de Keyser,

Entretien avec Patrick Bignon (PB, bureau de Paris) et Richard King (RK, bureau de Londres), associés du cabinet Bignon de Keyser, comparant leurs marchés du droit français et britannique.

La taille

PB : Le marché juridique français est moins facile à appréhender que le marché anglais, plus petit et moins consolidé même s’il reste un des marchés clés d’Europe continentale. Les cabinets « boutiques » y sont plus nombreux. Malgré cela, il existe de grands cabinets d’avocats indépendants bien établis avec des marques institutionnelles et des partnerships à forte collégialité.

RK : Les plus grands cabinets d’avocats britanniques sont beaucoup plus importants (jusqu’à 7 fois) en termes d’effectifs et de revenus que les plus grands cabinets indépendants français.  Cette différence d’échelle implique un style de gouvernance plus corporate dans les cabinets britanniques avec un management davantage accepté par les associés. La taille donne accès à des ressources plus importantes pour investir dans la croissance et les nouveaux services.  Comme conséquence, il y a une tendance à une plus grande consolidation et des fusions plus nombreuses parmi les cabinets britanniques, qui continuent pour renforcer leur compétitivité.

Les Cabinets d’avocats britanniques sont beaucoup plus importants (jusqu’à 7 fois) en termes d’effectifs et de revenus que les plus grands cabinets indépendants français. 

Richard King

L’internationalisation

PB : Les cabinets anglais (et américains) sont devenus des concurrents sérieux dans certaines expertises juridiques du marché français ; il n’en va pas de même dans l’autre sens. Les cabinets anglais se sont internationalisés plus rapidement et avec une couverture géographique plus importante de leur organisation. Seuls quelques cabinets français disposent de plusieurs bureaux hors de France. Le Brexit n’a pas encore eu d’impact sur ce point, bien qu’un nombre à peu près équivalent de nouveaux projets d’investissement en Europe aient été dirigés vers la France et l’Allemagne plutôt que vers le Royaume-Uni en 2020.  Auparavant, le Royaume-Uni était davantage bénéficiaire de ce flux d’investissements. 

Les cabinets anglais (et américains) sont devenus des concurrents sérieux dans certaines expertises juridiques du marché français ; il n’en va pas de même dans l’autre sens.

Patrick Bignon

RK : La dimension internationale des cabinets anglais reflète d’une part la large diffusion du droit anglais en tant que système juridique régissant le droit des contrats, même entre des parties qui n’ont aucune relation avec le Royaume-Uni, et d’autre part le recours à la loi anglaise pour régler les litiges commerciaux internationaux.

La réglementation

PB : Bien que l’interprofessionnalité dispose désormais d’un cadre établi en France avec la Société Pluri-Professionnelle d’exercice (SPE), ce véhicule ne s’est pas encore avéré très populaire et ne permet qu’à un nombre limité de professions réglementées de coopérer.

RK : Au Royaume-Uni, les non-juristes peuvent désormais détenir et diriger des cabinets d’avocats.  Environ 6 cabinets d’avocats sont cotés à la Bourse de Londres, et d’autres sont financés par le capital investissement. Cela conduit à un alignement encore plus étroit de la gestion des cabinets d’avocats avec la gouvernance des entreprises. Cela permet également aux cabinets d’avocats de mieux financer leur développement. La contrepartie c’est certainement une plus grande transparence des informations sur les performances financières des cabinets d’avocats. Et cela a entraîné également l’entrée de nouveaux acteurs dans le domaine des services juridiques, qui entrent en concurrence directe avec les cabinets d’avocats, en particulier sur le « small et mid market ».

Au Royaume-Uni, les non-juristes peuvent désormais détenir et diriger des cabinets d’avocats.  Environ 6 cabinets d’avocats sont cotés à la Bourse de Londres, et d’autres sont financés par le capital investissement. Cela conduit à un alignement encore plus étroit de la gestion des cabinets d’avocats avec la gouvernance des entreprises.

Richard King

Le futur

PB : Il pourrait y avoir plus de consolidation et d’alignement entre les cabinets français indépendants et les autres cabinets indépendants en Europe – nous avons déjà commencé à le voir. La guerre des talents s’intensifie et oblige les cabinets français à se concentrer sur le développement de leur marque et leur attractivité, afin d’attirer et de retenir les meilleurs collaborateurs et clients.

RK : La pression exercée sur les cabinets d’avocats pour qu’ils se consolident, se « corporatisent » et rationalisent leurs opérations afin de maintenir leur rentabilité et soutenir les investissements croissants dans les solutions numériques et les talents humains ne fera qu’augmenter.  Les résultats seront peut-être différents de ceux obtenus en France, mais les pressions sont similaires. 

Biographies

Patrick Bignon a été responsable du réseau juridique mondial EY Law, managing partner Andersen Legal au niveau mondial (et membre du conseil d’administration d’Andersen Worldwide) et managing partner du cabinet d’avocats Archibald Andersen en France. 

Richard King a été Chief Legal Operations Officer chez Herbert Smith Freehills, où il a dirigé des projets visant à améliorer l’efficacité et l’innovation des services.  Il a travaillé chez HSF, Andersen Legal et EY Law sur la stratégie mondiale, l’intégration des fusions et le développement des réseaux. 

Retrouvez toutes les rencontres des Business & Legal Forums sur www.blforums.com

Start typing and press Enter to search