CJIP, dirigeants, assurance, supply chain… Les brèves du GACS 2023

BLR n°31 – 06/08/2023

Photo de couverture : Luis Quinonero, directeur juridique en charge du développement durable, L’OREAL


Des intervenants de haut vol du GACS, Global Anticorruption & Compliance Summit reviennent décrypter quelques points clés abordés lors de cette 8e édition. (avril 2023).

CJIP, dirigeants, assurance

Pensez-vous que le champ d’application des CJIP devrait être élargi ? Eric Dezeuze, Guillaume PELLEGRIN, avocats associés, BREDIN PRAT

L’extension la moins probable est l’application aux personnes physiques, écartée ab initio et systématiquement rejetée depuis.

Eric Dezeuze, avocat associé, BREDIN PRAT

Vaste question qui relève, avant tout, de l’appétence du législateur, parfois imprévisible sur le sujet. L’extension la moins probable est l’application aux personnes physiques, écartée ab initio et systématiquement rejetée depuis.

Guillaume PELLEGRIN, avocat associé, BREDIN PRAT

Vient ensuite le champ des infractions susceptibles de donner lieu à une CJIP. Si la création de l’outil a suscité de vives discussions, l’ajout du blanchiment de la fraude fiscale, des délits connexes, puis de la fraude fiscale, et la création d’une CJIP environnementale n’ont guère donné lieu à débat. Une nouvelle extension pourrait se limiter à quelques infractions liées à la probité (on songe au favoritisme déjà visé dans une proposition de loi) ou même concerner presque tous les délits, sur le modèle de la CRPC. Enfin, se pose opportunément la question de l’ajout d’autorités ou de tiers susceptibles d’intervenir pour l’évaluation d’engagements pris dans la CJIP, en sus de l’Agence Française Anticorruption pour l’instant seule visée par les textes.

CRPC/CJIP : quelle est votre vision sur les enjeux de responsabilité entre personnes physiques et morales ? Arnaud Bergauzy, head of insurance risk management, LAFARGE FRANCE HOLCIM GROUP
Arnaud Bergauzy, LAFARGE FRANCE HOLCIM GROUP

D’un point de vue assurantiel, les frais de défense d’un dirigeant d’une entreprise peuvent être pris en charge dans le cas d’une procédure de CRPC à travers l’assurance Responsabilité Civile des Mandataires Sociaux.

Le cas est cependant plus rare dans le cas d’une CJIP. En effet, afin que les frais de défense d’une personne morale puissent être garantis, il faut qu’il y ait a priori la mise en cause d’un dirigeant. Sans réclamation conjointe, l’entreprise devra assumer seule les frais qui lui incombent. Elle ne pourra pas non plus compter sur les garanties de sa RC Générale au vu des clauses d’exclusion telles que la faute intentionnelle ou dolosive.

Sans réclamation conjointe, l’entreprise devra assumer seule les frais qui lui incombent. Elle ne pourra pas non plus compter sur les garanties de sa RC Générale

Si ce vide assurantiel peut être vu comme un « trou de garantie » par l’entreprise, cela l’oblige à ne pas céder à la facilité d’un transfert financier à l’assureur et à mesurer l’intérêt d’aller au bout de la procédure classique au lieu de conclure une CJIP.

Quel sort pour les dirigeants en cas de CJIP ? Philippe Goossens, avocat associé, Laetitia Daage, avocate, ADVANT ALTANA
Philippe Goossens, avocat associé, ADVANT ALTANA

La conclusion d’une CJIP, toujours à apprécier au cas par cas, n’empêche pas les représentants légaux de la personne morale mise en cause d’être poursuivis pénalement pour les mêmes faits, ce d’autant que le PNF considère que l’intérêt public exige que de telles poursuites soient exercées dès que les conditions juridiques le permettent.

Laetitia Daage, avocate, ADVANT ALTANA

Par conséquent, l’évolution de l’équipe dirigeante aura son importance. En effet, si le dirigeant en place est le même que celui au moment des faits, on envisage difficilement qu’il aille négocier une CJIP pour l’entreprise et reconnaisse potentiellement sa propre responsabilité pénale. En revanche, si l’équipe dirigeante a totalement changé, la société pourra souhaiter montrer qu’elle est entrée dans une nouvelle ère sans exposer ses dirigeants actuels et en protégeant son intérêt social.

En effet, si le dirigeant en place est le même que celui au moment des faits, on envisage difficilement qu’il aille négocier une CJIP pour l’entreprise et reconnaisse potentiellement sa propre responsabilité pénale.

Supply chain & compliance

Compliance, main d’œuvre et supply chain, quid du nouveau cadre juridique : opportunité ou menace ? Luis Quinonero, directeur juridique en charge du développement durable, L’OREAL
Luis Quinonero, L’OREAL

Même si plusieurs réglementations apparaissent sur ce sujet, je me limiterai au projet de directive sur le devoir de vigilance. Le nouveau cadre juridique peut être vu comme une opportunité. En raison de son champ d’application large, la nouvelle directive devrait renforcer la mobilisation des entreprises facilitant ainsi la mise en œuvre de diligences raisonnables. On peut regretter, néanmoins, l’absence de mécanismes simplifiant les démarches et apportant de la sécurité juridique.

En raison de son champ d’application large, la nouvelle directive devrait renforcer la mobilisation des entreprises facilitant ainsi la mise en œuvre de diligences raisonnables.

Ainsi, par exemple, la mise en place d’un plan de vigilance européen sans duplication des plans nationaux, une simplification de diligences à mener auprès de partenaires commerciaux également soumis aux obligations de vigilance, plus de clarté sur l’extraterritorialité des obligations de diligence lorsque le marché européen n’est pas concerné ou encore la mise en place d’une procédure de médiation obligatoire. Une démarche de diligence sincère et solide devrait être une bonne prévention des menaces juridiques éventuelles.

Pourriez-vous nous exposer brièvement le cadre général et l’évolution des obligations en matière de conformité appliquée à la supply chain ? Eric Lasry, managing partner, investigation, compliance & ethics, BAKER McKENZIE.
Eric Lasry, managing partner, investigation, compliance & ethics, BAKER McKENZIE

Certes les entreprises doivent de plus en plus faire face à une abondance de législations spécifiques concernant la compliance des supply chains ; cependant, la méthodologie reste essentiellement la même.  Il convient d’adopter une approche par les risques : il faut les identifier afin d’anticiper et de prévenir leur réalisation. En cas de réalisation, il convient d’appliquer des mesures d’atténuation et de remédiation. C’est la raison pour laquelle il faut établir une cartographie classique à partir d’une analyse de la supply chain en amont (fournisseurs directs et indirects) et en aval (distributeurs directs et indirects) à l’aune des risques ESG portant sur l’environnement, les droits humains et la gouvernance. Il convient ensuite d’effectuer une priorisation des risques en fonction de leur probabilité d’occurrence et de leur gravité, en tenant compte de divers facteurs (pays concernés, secteur d’activité, acteurs…).

Il faut établir une cartographie classique à partir d’une analyse de la supply chain en amont (fournisseurs directs et indirects) et en aval (distributeurs directs et indirects) à l’aune des risques ESG portant sur l’environnement, les droits humains et la gouvernance.

Enfin, il y a lieu de préparer et de mettre en œuvre un plan d’actions et de suivi, capable de démontrer la volonté de l’instance dirigeante de tenir compte de toutes les parties prenantes, en faveur d’un capitalisme responsable. Cette démarche peut constituer un avantage compétitif pour les entreprises dès lors qu’elles mettent en œuvre une véritable ambition d’appliquer les standards les plus exigeants pour s’assurer de leur propre durabilité et éviter les externalités négatives de leur activité. Au-delà de la supply chain, pour accompagner nos clients, nous avons mis en place une méthodologie ESG adoptant une approche holistique qui part d’une revue des structures et de la gouvernance de l’entreprise, définit des objectifs quantifiables, intègre la stratégie dans les business modèles, assure un suivi et des axes de progression, et anticipe les problématiques en devenir, grâce notamment à une veille internationale.


Cette tribune est un extrait de l’une de nos tables rondes. Pour prendre connaissance de l’ensemble des travaux de nos tables rondes, participez à nos rencontres, elles sont particulièrement riches en retours d’expérience tant des entreprises que des autorités et des conseils. TOUT SAVOIR.


Rendez-vous le 19 octobre 2023 pour le Business & Legal Forum et en avril 2024 pour le Global Anticorruption & Compliance Summit (GACS).
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