« Le déploiement de l’IA dans l’entreprise : une affaire de productivité ? Quels enjeux juridiques & sociaux ? » – Les brèves du BLF 2023

BLR n°38 – 03/04/2024

Photo de couverture : Ronan NGUYEN-VAN, directeur juridique relations humaines France, L’OREAL


 

Table ronde du BLF 2023, avec de gauche à droite : F. Pachet, D. Jonin, N. Nadal, R. Nguyen-Van et C. Roquilly

L’entreprise agile peut-elle passer à côté des opportunités qu’offre l’IA ?
Son déploiement a débuté dans certains groupes. 
Elle commence à prendre place dans nos applications.
Véritable outil prometteur d’un accroissement de productivité pour de nombreux salariés, quels sont les enjeux juridiques pour l’entreprise de fournir un outil qui peut s’avérer « approximatif », « inexact » ou très bon dans ses réponses ?
 

 

 

Dans quelle mesure le droit du travail est-il prêt pour gérer l’impact de l’IA au sein de l’entreprise ? selon David JONIN, avocat au Barreau de Paris, associé, GIDE LOYRETTE NOUEL

Le développement de l’IA devrait bouleverser le monde du travail. Au-delà de faciliter l’accomplissement de nombreuses tâches, l’intelligence artificielle transformera de très nombreux emplois, et en remplacera certains. Néanmoins, pour l’OIT (Organisation Internationale du Travail), le développement de l’IA est plus susceptible d’ « accompagner » que de supprimer les emplois.

Le futur règlement européen sur l’IA, quant à lui, identifie comme à « haut risque » les systèmes d’IA dans les domaines de l’emploi, la gestion de la main-d’œuvre et l’accès à l’emploi indépendant.

Pour ses auteurs, les systèmes d’IA peuvent avoir une incidence sensible sur les perspectives de carrière, les moyens de subsistance et les droits des travailleurs impactés pouvant conduire à des violations graves des droits fondamentaux (considérant n° 36 du futur règlement sur l’IA).

A ce titre, les systèmes d’IA sont assortis de protections particulières par le futur règlement qui subordonne leur mise sur le marché ou en service à un certain nombre d’obligations.

Sont visés plus précisément les systèmes d’IA utilisés comme outils d’aide pour le recrutement ou la sélection de personnes physiques (diffusion des offres d’emploi, filtrage des candidatures et évaluation des candidats au cours d’entretiens ou de tests, etc.) mais également pour prendre des décisions dans le contexte de l’exécution du contrat de travail qu’il s’agisse de l’attribution de tâches, ou le suivi et l’évaluation des performances et du comportement des personnes dans le cadre de ces relations.

En tout état de cause, si l’utilisation de l’IA au sein des entreprises en soutien notamment d’une politique de recrutement et de gestion du personnel présente des opportunités, elle soulève également diverses questions, et imposera aux employeurs d’anticiper ses impacts et l’association en amont des institutions représentatives du personnel dans le respect de leurs attributions consultatives.

 

Quel rôle, quelles précautions pour les syndicats dans le contexte de l’arrivée de l’IA dans le fonctionnement de l’entreprise ? selon Nicolas NADAL, conseiller en innovation digitale et sociale, IBM, conseiller prudhommal, élu au comité d’entreprise (CFDT)

La révolution technologique, avec l’avènement de l’intelligence artificielle (IA), pousse les syndicats à s’adapter et à comprendre les enjeux. Un groupe de travail a ainsi été lancé au sein de ma section syndicale pour explorer les possibilités offertes par l’IA, mais aussi pour apprendre à défendre efficacement les droits des salariés dans ce nouveau contexte. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de se familiariser avec les outils technologiques qui, utilisés à bon escient, peuvent constituer un levier pour l’amélioration des conditions de travail, mais qui, mal gérés, pourraient aggraver la situation.

En outre, la coordination entre les différents niveaux de représentation syndicale, que ce soit au niveau de la fédération, de la confédération ou encore à l’échelle européenne, s’avère cruciale. Elle permet de consolider les stratégies de défense des salariés et d’assurer une cohérence dans les actions menées. Face aux défis posés par les restructurations et l’intégration des nouvelles technologies, cette solidarité transnationale pourrait bien être la clé pour préserver les droits des travailleurs et promouvoir un environnement de travail sain et équitable.

Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, dans « Les Cahiers des Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence » du mois de novembre 2023, complète mon propos : « Avec la diffusion des outils numériques, les inquiétudes se portent légitimement sur la pérennité de certains emploisMais l’usage de systèmes algorithmiques et l’arrivée récente de l’intelligence artificielle générative dans de nombreux secteurs d’activités ont aussi des effets sur le travail et transforment en profondeur certains métiers dans lesquels les ressources techniques supplantent en partie les ressources humaines et transforment les modèles économiques. De même avec la numérisation rapide d’un grand nombre de services publics, dont les effets sur les usagers impactent fortement les conditions de travail des agents publics. Les évolutions numériques font par ailleurs émerger de nouvelles formes « d’emploi » avec les micro-travailleurs et les travailleurs des plateformes dont le statut juridique et la faible protection sociale continuent de faire débat»

 

DRH : quel son rôle et quelles responsabilités dans le cadre du déploiement de l’IA en entreprise ? selon Ronan NGUYEN-VAN, directeur juridique relations humaines France, L’OREAL 

Dans le cadre du déploiement de l’intelligence artificielle (IA) au sein des entreprises, le rôle des Directeurs des Relations Humaines (DRH), parmi d’autres acteurs, revêt une importance particulière. L’IA transforme potentiellement profondément notre paysage professionnel et influencera certains aspects de nombreux métiers.

Si elle automatise les tâches répétitives, améliore l’efficacité opérationnelle et en favorise l’innovation, elle entraîne également des défis complexes en termes de gestion des relations humaines, de culture et de développement de compétences nouvelles. Nous jouons un rôle pivot dans l’optimisation des avantages potentiels de l’IA et la vigilance des enjeux qui y sont associés dont l’attention apportée à la préservation de l’emploi.

L’anticipation et l’identification des compétences liées à l’intégration de l’IA dans les entreprises est une des premières étapes à laquelle nous nous attelons ainsi que la mise en place de task forces pluridisciplinaires. Cela implique d’évaluer les compétences des employés, d’identifier les axes de développement, les opportunités de déploiement de nouvelles expertises et de nous assurer que personne ne reste sur le quai de la gare.

Une fois cette étape accomplie, il s’agit d’envisager la mise en place de programmes d’accompagnement pour préparer les salariés aux nouvelles exigences technologiques. Nous avons également une mission d’évangélisation, de communication et de sensibilisation. Il est essentiel d’expliquer clairement les objectifs et les avantages de l’IA, de dissiper les craintes et les résistances potentielles luttant contre des études anxiogènes dont certaines se sont révélées erronées.

Nous devons également garantir que l’utilisation de l’IA est conforme aux principes et valeurs éthiques, à la norme juridique concernant différents domaines du droit, tels que notamment la protection des données individuelles et la propriété intellectuelle sans oublier la sécurité informatique. L’une des réponses peut consister en l’élaboration de politiques et des procédures claires pour garantir que l’IA est utilisée de manière responsable et éthique, notamment en protégeant la vie privée et les droits des employés. Nous devons aussi nous assurer que l’IA est intégrée de manière totalement responsable, équitable et inclusive dans l’entreprise. Cela signifie éviter les biais algorithmiques dès la conception même des solutions et veiller naturellement à ce que l’IA préserve la diversité, l’équité et l’inclusion.

 


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