La place des soft skills dans l’éducation et l’entreprise : entretien croisé entre Laure Lavorel et Sixtine Moullé-Berteaux

Photo de couverture : Laure Lavorel, directrice juridique internationale – présidente d’honneur du Cercle Montesquieu et Sixtine Moullé-Berteaux, sa fille et fondatrice du Crayon, premier média de débat des jeunes et CEO du Surligneur, l’agence de relations presse et personal branding des entrepreneurs et C-levels.

V. Jubault

BLR n°30 -08/06/2023

Quelle est « la part de l’humain » dans la réussite de nos projets professionnels, notamment lors de résolution de litiges ? Toutes les trois semaines, nous vous proposons la vision d’une personnalité des affaires, des sciences humaines, d’un avocat… Sous l’œil aguerri de notre coach, Virginie Jubault, (coach certifiée, associée, Avocom).

Cette semaine, Virginie a posé ces questions à Laure Lavorel, avocate , directrice juridique Internationale depuis novembre 2018 du groupe américain spécialisé dans la technologie Broadcom et membre des conseils d’administration de plusieurs filiales du géant californien. Egalement juge consulaire au tribunal de commerce de Paris pendant 5 ans, Laure Lavorel est soucieuse d’animer des réseaux de juristes et de nourrir les liens entre l’ensemble des professions du droit. A ce titre, elle est notamment à l’initiative de la création de Paris Place de Droit et elle a été élue présidente du Cercle Montesquieu en 2019, l’association des directeurs juridiques français au sein de laquelle elle œuvre activement au rapprochement des professions juridiques et judiciaires, aujourd’hui en tant que présidente d’honneur. Sa fille Sixtine Moullé-Berteaux, fondatrice du Crayon, premier média de débat des jeunes et CEO du Surligneur, l’agence de relations presse et Personal branding des entrepreneurs et C-levels, a aussi répondu aux questions de notre coach.


Laure, dans votre éducation, quelle place avez-vous accordée aux soft skills ? Une mère juriste est-elle une mère comme les autres ?

Bien que valorisant l’émotionnel, je suis très attachée à la rigueur, colonne vertébrale de la pensée et du fonctionnement du juriste.

Mon leitmotiv quand mes trois enfants étaient petits : « Je sais donc je vérifie ». Les enfants avaient tendance à dire « Je crois » et moi je leur répondais « Tu sais ou tu ne sais pas ».

J’ai été très influencée par les entreprises américaines pour lesquelles j’ai travaillé et où j’ai bénéficié de nombreux programmes de développement personnel.

Cet apprentissage m’a aidée à élever mes enfants dans la prise de confiance et la prise de conscience des soft skills. Je les ai sensibilisés à tout ce qui est en lien avec la générosité et plus globalement ce qui touche au cœur.

Sixtine, en tant que communicante de talent, avez-vous sensibilisé votre mère à des soft skills en particulier ?

Sixtine : Depuis petite, ma mère est mon plus grand modèle. Elle m’a toujours traitée en adulte et appris à être rigoureuse, ce qui explique peut-être ma précocité puisque j’ai démarré mon business à seulement 18 ans.

Lorsque j’ai lancé l’entreprise le Crayon il y a 3 ans avec mon frère Wallerand, j’ai expliqué à ma mère l’importance et la nécessité de bien savoir communiquer sur les réseaux sociaux.

Mon entreprise s’est développée en public (nous avons partagé publiquement toute notre évolution et avancée en posts Linkedin ou sur Instagram ) et cela a été un game changer pour nous (nous avons eu des centaines de retours constructifs, très utiles pour nous perfectionner).

Laure : J’avais plutôt un a priori négatif sur les réseaux sociaux. Lors de ma première rencontre avec le garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, j’ai évoqué avec mes enfants le fait qu’il était difficile pour les juristes d’entreprises d’être aussi reconnus que les avocats par la Chancellerie.

Leur première réaction a été de me dire que la présence des juristes d’entreprises était très faible sur les réseaux sociaux. Combien tu représentes ? Combien as-tu d’abonnés ? Combien le Cercle Montesquieu en a-t-il ? Sur les réseaux sociaux, quel est votre poids ?

Mon training avec les enfants m’a permis de multiplier par 4 mon nombre de vues. C’est passionnant de voir cette inversion des valeurs. C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que les jeunes apprennent aux vieux l’usage d’un outil.

Laure, Sixtine quelles seraient selon vous, les soft skills indispensables pour exercer vos métiers respectifs ? 

Laure : Le juriste doit communiquer avec de nombreuses parties prenantes et ne surtout pas être perçu comme l’empêcheur de tourner en rond.

Plus qu’un business partner, le juriste est un influenceur.

Il doit avoir la capacité de convaincre l’ensemble de son entourage : le client interne (au sein de l’entreprise), le juge, le client en face (dans le cadre d’un contrat commercial), les autorités de régulation.

Il doit être éloquent et donner confiance comme le médecin de famille qui résout toutes sortes de problèmes variés.

Sixtine : Étant très présente sur les réseaux sociaux, je réalise que beaucoup de leaders d’opinion deviennent des robots à force de publier du contenu derrière un écran. Ils en oublient presque qu’il est essentiel d’être empathique. J’entends par là comprendre l’autre dans sa différence, s’adapter à son interlocuteur et faire preuve d’une grande intelligence sociale et émotionnelle. Même si c’est du business, ça reste de l’humain avant tout. Malheureusement, trop de personnes ont tendance à l’oublier alors que c’est souvent ça qui vous différencie de vos concurrents.

Laure et Sixtine de concert : Nous sommes des hypersensibles. C’est le pire des défauts ou une qualité magique : nous avons su en faire un super pouvoir, une force très utile dans nos business respectifs.

Laure : Sixtine n’avait pas nécessairement une grande confiance en elle lorsqu’elle était petite fille.

Quand je vivais à New York, j’ai eu un insight très fort dans un parc. Alors que je m’apprêtais à dire à mon fils qui escaladait avec un autre enfant un mur « Attention, tu vas tomber ! », j’ai entendu l’autre mère, américaine s’écrier : « Vas-y, vas-y, tu peux y arriver !».

Cette prise de conscience m’a fait radicalement changer de méthode d’éducation. C’est sûrement pour cela que si jeune, Sixtine entreprend autant.

Dans la vie, il n’y pas de limites sauf celles que l’on se pose à soi-même ou que l’on permet aux autres de vous opposer.

On parle de plus en plus de risque réputationnel en raison de l’hyper communication qu’offrent aujourd’hui les algorithmes. Quelle place occupe la gestion de ce risque dans l’activité d’une directrice juridique aujourd’hui ?

Laure : La semaine dernière, nous intervenions à Science Po avec Valérie Senneville, Antonin Lévy et Pierre-Philippe Boutron-Marmion sur le thème : « Médias et réseaux sociaux : Comment protéger sa réputation face à la crise ? »

Les juristes apportent une expertise indispensable à la protection des intérêts des sociétés dans le cadre des stratégies de communication des entreprises. La révolution des réseaux sociaux a métamorphosé les tactiques de communication.

Le risque réputationnel est aujourd’hui le danger numéro 1 devant tous les autres risques contentieux.

Dans les années 80, la gestion des risques se répartissait entre le risque juridique, c’est-à-dire essentiellement la violation des règles (80%) et le risque financier (20%). Dans les années 90, elle se distribuait moitié sur le juridique, moitié sur le financier. En 2000, le risque réputationnel s’est invité avec l’affaire Greenpace contre Kellogg’s. En 2023, le risque réputationnel en représente un tiers, au même niveau que le juridique et le financier.

La répartition du temps alloué aux différents sujets évolue aussi. Il y a 5 ans, ils se distribuaient entre la prévention contre la fraude, le blanchiment et l’étude du droit de la concurrence. Aujourd’hui, le top 3 tourne autour de la cybersécurité, la compliance et les données personnelles qui sont des sujets hautement à risques pour les dangers qu’ils font courir aux entreprises sur le terrain de la réputation. Ces analyses de données émanent de différentes études menées par Deloitte, l’ACC, le Cercle Montesquieu et l’ECLA.

Un CEO peut être démis de ses fonctions, une valorisation boursière d’écrouler, un site e-commerce boycotté par des consommateurs à l’échelle mondiale sur un simple « bad buzz », sans que le moindre jugement n’ait été prononcé, ni aucune enquête sérieuse menée.

Le tribunal médiatique par la puissance de son « name and shame » peut s’apparenter à une tornade violente.

Prendre contact avec l’une des personnalités :
Rien de plus facile cliquez ici ou devenez AMI, Active Member to Inspire

Retrouvez toutes les rencontres des Business & Legal Forums sur www.blforums.com

Start typing and press Enter to search