Le juriste en 2023 ne doit pas seulement être un rigoureux technicien du droit

Photo de couverture : Stéphanie Smatt Pinelli, directrice juridique, ORANO

V. Jubault

BLR n°29 -11/05/2023

Que recouvre la mobilité dans la vie professionnelle d’un(e) juriste d’entreprise ? Quelles sont les nouvelles qualités à déployer pour être juriste aujourd’hui ? Toutes les quatre semaines, nous vous proposons la vision d’une personnalité des affaires, des sciences humaines, d’un avocat… Sous l’œil aguerri de notre coach, Virginie Jubault.

Cette semaine, Virginie a posé ces questions à Stéphanie Smatt Pinelli, directrice juridique, ORANO. Stéphanie a exercé dix ans la profession d’avocat au sein du barreau de Paris, avant de rejoindre ORANO en 2019 en qualité de directrice juridique. Elle intervient dans le cadre de différends complexes de nature civile, commerciale et pénale devant les juridictions nationales et internationales ainsi que de tous types de MARD. Elle participe à la sécurisation des activités du groupe et de ses filiales au travers de la gestion de ses précontentieux de toute nature. A ce titre, elle a développé une forte expertise en matière d’application de la loi sur le devoir de vigilance et de préservation des risques en matière de droits humains. Par ailleurs, Stéphanie est membre des conseils d’administration de l’AFJE et de Paris Place de Droit, association au sein de laquelle elle a fondé et coanime la commission Justice climatique et environnementale.


Stéphanie, tu parles beaucoup de mobilité ? Qu’est-ce que cela recouvre dans ta profession ?

La mobilité se situe à plusieurs niveaux. En entreprise, celle du juriste est développée et valorisée. Ses missions et le périmètre de ses responsabilités évoluent et s’étendent. Nous interagissons constamment avec de nombreuses directions que ce soit celles de la conformité, de la finance, de la communication, de la RSE, allons sur le terrain pour rencontrer nos interlocuteurs opérationnels, comprendre nos clients internes, nous familiariser avec la réalité industrielle, comprendre au plus près les enjeux auxquels nous sommes exposés.

Cette mobilité est encouragée au sein de mon entreprise avec le développement du flex office, instauré dès 2019. Cette organisation qui permet de partager nos espaces participe à rendre le juriste nomade au sein même de son lieu de travail. J’encourage aussi la mobilité du juriste en dehors de son entreprise. La nouvelle génération de juristes apprend à mettre en lumière le travail réalisé en interne. Cette communication (usuelle pour les avocats) participe à la promotion du droit en entreprise et du métier de juriste, encore trop méconnu sur les bancs de l’université.

Le partage d’expérience et la transmission sont également essentiels entre pairs et plus généralement entre praticiens du droit.

Je tente d’y participer en étant active au sein d’associations professionnelles, qui permettent de créer des synergies. Ces échanges, que j’anime par exemple au sein de la commission Justice environnementale et climatique de Paris Place du Droit, permettent de travailler à dégager des bonnes pratiques et de comprendre les sensibilités et objectifs de chacun. Enfin cette mobilité se retrouve au sein de la grande famille du droit, nous sommes de plus en plus nombreux à passer de la robe à l’entreprise, de la magistrature à l’avocature, du public au privé, les parcours ne sont plus linéaires, ce qui est une grande richesse pour ceux qui ont l’opportunité de pouvoir exercer le droit sous différentes facettes.

Quelles sont les nouvelles qualités à déployer pour être juriste aujourd’hui ?

Notre profession continue sa mutation. Celle-ci s’accélère avec l’expansion de sujets éminemment stratégiques pour l’entreprise tels que la préservation des droits humains, l’application du devoir de vigilance, les nouveaux risques de contentieux climatiques autant de sujets pour lesquels le juriste a un rôle central à jouer aussi bien dans la préservation des risques que dans la création de valeur. Ce rôle implique de développer de nouvelles qualités.

A mon sens, le juriste en 2023 ne doit pas seulement être un rigoureux technicien du droit. Il doit aussi être :

Curieux : pour s’adapter aux évolutions de notre droit, à la globalisation et au contexte géopolitique actuel, le juriste développe sa curiosité, pour anticiper au mieux les problématiques et les risques qui s’y rattachent. Il doit être en veille permanente.

Créatif et agile :  Les dernières années nous ont montré qu’il est impossible de tout anticiper, c’est pourquoi je pense qu’aujourd’hui plus encore qu’hier, le juriste doit développer sa créativité pour être capable de penser en dehors de sa zone première d’expertise. Il doit faire preuve d’imagination et d’agilité pour proposer des solutions sur mesure, adaptées à la réalité du monde économique. Cette créativité se travaille notamment grâce à la participation à des projets d’entreprise transversaux qui font appel à l’intelligence collective, clé de voûte d’un travail d’équipe efficace.

A l’écoute et pédagogue : Le juriste doit savoir fédérer autour de projets structurants et comprendre les réticences et les craintes de ses interlocuteurs. Il doit trouver les mots justes pour inspirer leur confiance. Pour être audible et persuasif, il doit utiliser un langage clair. Dans ce contexte, et pour diffuser la culture juridique, la pédagogie est essentielle. Elle doit se faire de manière adaptée et le recours au légal design peut être un moyen très efficace de se faire comprendre. Ces capacités d’écoute mêlées à des « skills » de bons communicants sont également essentielles dans l’exercice de la négociation ou de la définition de stratégie judiciaire qui sont au cœur de notre métier.

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