Compliance, fraude, enquête : quels enjeux pour les entreprises quand le Parquet européen s’en mêle ?

BLR n°30 – 08/06/2023

Photo de couverture : Kiril Bougartchev et Emmanuel Moyne, avocats associés, Bougartchev Moyne Associés


GACS 2023 : Compliance, fraude, enquête : quels enjeux pour les entreprises quand le Parquet européen s’en mêle ? – table ronde avec de gauche à droite : V. Filhol (MEAE), K. Farbmann, (Mc Donald’s) E. Moyne, (BMA) C. Soriano, (Parquet Européen) K. Bougartchev (BMA)

« Les débuts prometteurs du Parquet européen » titrait Le Monde en janvier 2022. Quels sont les impacts pour les entreprises qui seraient impliquées dans des affaires relevant de la compétence du Parquet européen ? Comment est menée l’enquête ? Quelles relations et/ou coopération avec le Parquet européen ? Quelles sont les conséquences sur les sanctions ? C’est les questions auxquelles ont répondu nos panélistes lors du Global Anticorruption & Compliance Summit – GACS d’avril dernier.

Avant de laisser la plume à Kiril Bougartchev et Emmanuel Moyne, tous les deux avocats associés du cabinet Bougartchev Moyne Associés (BMA) et Kyrill Farbmann, European compliance director, global compliance & safety, McDonald’s Corporation, on pose le décor avec un rappel des compétences du Parquet européen illustré par quelques chiffres clés..

Le Parquet européen est une institution de l’Union européenne (UE) chargée de la lutte contre la fraude et la criminalité financière touchant les intérêts financiers de l’UE. Il a été créé en 2017 et est opérationnel depuis 2021. Le Parquet européen est composé de procureurs européens indépendants qui enquêtent sur les crimes financiers transfrontaliers, tels que la fraude à la TVA, la corruption et le blanchiment d’argent, qui portent atteinte au budget de l’UE. Son objectif est de renforcer la coopération judiciaire entre les États membres de l’UE pour lutter plus efficacement contre ces infractions.

La création du Parquet européen marque une étape importante dans la coopération judiciaire européenne, car il s’agit de la première institution européenne dotée de pouvoirs de poursuite directe dans les États membres participants. Actuellement, 22 États membres de l’UE participent au Parquet européen, tandis que six autres États ont choisi de ne pas y adhérer. Le Parquet européen peut exercer son pouvoir de poursuite devant les tribunaux nationaux des États membres participants et a le droit de demander l’exécution de mandats d’arrêt européens. Il vise à garantir une application uniforme de la loi et à protéger les intérêts financiers de l’UE. Il convient de noter que le Parquet européen se concentre uniquement sur les infractions touchant les intérêts financiers de l’UE et ne traite pas d’autres types de crimes ou d’enquêtes pénales qui relèvent de la compétence des autorités nationales des États membres. En résumé, le Parquet européen est une institution de l’UE chargée de la lutte contre la fraude et la criminalité financière transfrontalière touchant les intérêts financiers de l’UE, et il vise à renforcer la coopération judiciaire entre les États membres dans ce domaine.

Les chiffres clés (source : bilan annuel publié en décembre 2022)

  • 3318 signalements d’infractions traités ;
  • 865 enquêtes ouvertes ;
  • 1117 enquêtes actives avec des dommages estimés à 14,1 milliards d’euros ;
  • 16,5 % des enquêtes actives (185) liées à la fraude à la TVA représentant 47 % des dommages estimés (6,7 milliards d’euros) ;
  • 359,1 millions d’euros d’ordonnances de gel accordées ;
  • 114 procureurs délégués européens en activité ;
  • 217 membres du personnel du bureau central à Luxembourg.
Kiril Bougartchev et Emmanuel Moyne, avocats associés du cabinet Bougartchev Moyne Associés. Quel impact la création du Parquet européen a-t-il eu pour les entreprises ?

Premier parquet économique et financier supranational et indépendant, opérationnel depuis le 1er juin 2021, le Parquet européen est compétent en matière d’infractions aux intérêts financiers de l’Union européenne : détournement de fonds européens, corruption, fraude transfrontalière à la TVA, certains délits douaniers, blanchiment ainsi que les infractions qui leur sont indissociablement liées. Les entreprises bénéficient donc d’abord de l’action de ce Parquet qui œuvre à un marché européen plus juste, à qui elles peuvent signaler des fraudes et devant lequel elles peuvent se constituer parties civiles.

Les entreprises bénéficient donc d’abord de l’action de ce Parquet qui œuvre à un marché européen plus juste, à qui elles peuvent signaler des fraudes et devant lequel elles peuvent se constituer parties civiles.

En 2022, 58% des signalements ont d’ailleurs émané de parties privées. Lorsque les entreprises sont à l’inverse poursuivies par ce nouveau Parquet, elles font face à des problématiques nouvelles car transfrontières. Responsabilité pénale des entreprises, modalités de poursuite ou éventuellement transactionnelles : tout cela dépendra de la législation nationale de l’Etat membre dans lequel le Parquet européen aura décidé de poursuivre. Des disparités procédurales qui invitent les acteurs de la procédure à une vigilance particulière afin de garantir le respect des droits de la défense.

Kyrill Farbmann, European compliance director, global compliance & safety, McDONALD’S CORPORATION. Le Parquet européen permet-il une meilleure harmonisation des règles pour les entreprises ?

Les compétences du Parquet européen sont limitées à certains aspects du respect du droit européen. Par conséquent, bien que l’idée de créer une institution relativement nouvelle mérite d’être soutenue et qu’un tel chien de garde soit nécessaire, elle ne concernera guère la majorité des entreprises. Il est à espérer que le législateur européen attribuera de nouvelles compétences supplémentaires au Parquet européen dans les années à venir. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il pourra vérifier le respect des règles et réglementations européennes.

Il est à espérer que le législateur européen attribuera de nouvelles compétences supplémentaires au Parquet européen dans les années à venir.

En outre, l’harmonisation des règles devrait être la tâche du législateur européen et des tribunaux européens, et non des autorités de poursuite.


Cette tribune est un extrait de l’une de nos tables rondes. Pour prendre connaissance de l’ensemble des travaux de nos tables rondes, participez à nos rencontres, elles sont particulièrement riches en retours d’expérience tant des entreprises que des autorités et des conseils. TOUT SAVOIR.


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